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que nous aimons. Vous eſtes touteſfois bien éloigné de cét eſtat là, puis que vous ne pouvez reprocher nulle infidelité à Cleodore : & qu’elle n’a que la rigueur que la vertu & la bien— ſeance veulent qu’elle ait. Je sçay bien, reſpondit Beleſis, que je ſuis coupable : ce n’eſt pas que je ne puſſe trouver quelque excuſe à mon crime ſi je le voulois : car enfin Cleodore ma fait cent mille querelles ſans ſujet : & a de telle ſorte laſſé ma patience, que ma paſſion s’en eſt peu à peu affoiblie malgré moy. Les Dieux ſcavent pourtant, ſi je n’ay pas fait tout ce que j’ay pû, pour reſiſter à Leoniſe, & pour conſerver mon cœur tout entier à Cleodore : mais il m’a eſte impoſſible. Je voy bien que ce que je fais eſt foible, pour ne pas dire laſche : touteſfois je n’y sçaurois que faire. Tous mes deſirs & toutes mes penſées ont changé d’objet : je ne voy plus Cleodore comme je la voyois : & par un enchantement épouventable, ce que je croyois autrefois qui devoit faire ma felicité, ne pourroit preſentement me donner un quart d’heure de joye. Que voulez vous apres cela que je face ? puis-je changer ma deſtinée, & puis-je faire que l’amour ſoit un acte de volonté ? Je connois bien que Cleodore a cent bonnes qualitez, & qu’elle eſt tres belle : mais je ſens malgré que j’en aye, que Leoniſe arrache mon cœur d’entre ſes mains, & que mon cœur eſt ravy de changer de Maiſtreſſe. J’ay hôte de mon inconſtance, je l’advoüe : mais je ne puis m’empeſcher d’eſtre inconſtant. C’eſt pourquoy pleignez moy ſans m’accuſer, & me ſervez aupres de Leoniſe : vous, dis-je, qui en m’amenant à Suſe, avez cauſé toutes mes diſgraces. Car apres tout, quel Amant peut jamais avoir eſté plus malheureux que moy ? J’aime une Perſonne d’humeur difficile & ineſgale : j’endure