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demander, luy dit elle en ſous-riant, que ſi j’eſtois equitable, je devrois vous dire qu’elle dure encore : mais Beleſis vous me le demandez d’une maniere, qui me fait croire que je n’en dois pas uſer ainſi : c’eſt pourquoy je vous declare que je vous pardonne de bon cœur tout le paſſé. Ha Madame, luy dit Beleſis en rougiſſant, c’eſt eſtre trop bonne, que de ne me punir pas : ſi vous euſſiez parlé comme vous parlez, reprit elle, au commencement de noſtre querelle, elle n’auroit pas duré ſi long temps : mais le mal fut, pourſuivit elle en riant, que nous nous trouvaſmes tous deux capricieux en un meſme jour : c’eſt pourquoy ne le ſoyons s’il vous plaiſt du moins que l’un apres l’autre : ou pour mieux faire encore, ne le ſoyons plus du tout : & pour vous y obliger davantage, je vous promets de faire ce que je pourray pour m’en corriger. Je vous laiſſe à penſer Seigneur, quelle confuſion devoit avoir Beleſis : auſſi m’a t’il dit depuis, que de ſa vie il n’avoit tant ſouffert. Il fit meſme deſſein alors, de recommencer d’aimer Cleodore : mais il ne luy dura que juſques à ce que l’ayant remenée chez elle, il revit Leoniſe : qui le voyant rentrer avec ſa Parente, fut au devant d’elle pour ſe reſjouïr de ce qu’elle ramenoit Beleſis : diſant en ſuitte cent choſes obligeantes pour luy, qui acheverent de le gagner, & qui détruiſirent le deſſein qu’il avoit fait de n’eſtre point inconſtant. Depuis cela, Beleſis devint ſi inquiet & ſi reſueur qu’il n’en eſtoit pas connoiſſable : cependant il ne diſoit rien de ſa paſſion à Leoniſe, & parloit touſjours à Cleodore, comme s’il l’euſt encore aimée : c’eſtoit pourtant avec un chagrin ſi grand, qu’il n’y avoit point de jour qu’il n’euſt beſoin d’inventer un menſonge pour le pretexter. Tantoſt il diſoit avoir reçeu des nouvelles,