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aller à l’Apartement de Cleodore, mais en y allant, il rencontra le Prince de Suſe qui venoit voir Leoniſe, qui le força de rentrer : luy diſant qu’il vouloir l’entretenir de quelque choſe. Le reſpect qu’il devoit à ce Prince, qui de ſon naturel eſtoit aſſez violent, fit que Beleſis ne pût refuſer de luy obeïr : de ſorte qu’il rentra aveque luy dans la Chambre où eſtoit Leoniſe. Il n’y fut pourtant pas plus d’une demie heure : car apres que le Prince de Suſe luy eut dit ce qu’il avoit à luy dire, il ſe déroba de la Compagnie, afin d’aller trouver Cleodore. Mais il n avoit garde de la rencontrer : car comme elle avoit veü que Beleſis ne l’avoit pas ſuivie, ſans ſe donner la peine d’en sçavoir la raiſon, elle eſtoit ſortie par un Eſcallier dérobé, pour aller faire une viſite chez une de ſes Amies, qui demeuroit aſſez prés de là : afin que quand Beleſis la voudroit aller voir à ſa Chambre, il ne l’y trouvaſt plus Comme il ſe la connoiſſoit admirablement, il ſe douta bien qu’elle n’eſtoit ſortie que pour luy faire deſpit : cependant je ne sçay en quelle diſpoſition ſe trouva ſon ame ce jour là mais il ne ſentit pas ce qu’il avoit accouſtumé de ſentir, quand Cleodore avoit quelque caprice pour luy. Car pour l’ordinaire, il en avoit une extréme douleur ? & meſme il n’avoit point de repos qu’il n’euſt fait ſa paix avec elle : mais cette fois là, au lieu d’avoir du deſpaiſir il eut de la colere : & s’en alla reſolu d’en donner meſme quelques marques à Cleodore, la premiere fois qu’il la verroit. Apres cela, il ne faut pas ce me ſemble trouver fort eſtrange, ſi ces deux Perſonnes irritées, eurent le lendemain une converſation aſſez aigre & aſſez piquante : Beleſis ne dit pourtant rien à Cleodore contre le reſpect qu’il luy devoit : mais il n’aporta pas tout le ſoin qu’il euſt eu en un autre