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en parlant aux Dames qu’ils loüent : & je m’aſſure, que depuis que Beleſis vous voit, vous ne luy avez point encore dit que vous le trouvez de fort bonne mine ; que ſon eſprit vous plaiſt infiniment ; & que ſa converſation vous charme. Ha Madame, interrompit Beleſis, ne me meſlez pas dans voſtre diſpute, en me raillant ſi cruellement ! car ce n’eſt pas moy qui ſuis cauſe que les beaux yeux de Leoniſe attirent tant de gens qui vous importunent. Je vous prie, dit Leoniſe à Beleſis, de me laiſſer reſpondre à ce que Cleodore vient de dire ; reſpondez y donc preciſément, repliqua t’elle : auſſi feray-je, reprit Leoniſe, & c’eſt pour cela que je vous advoüe que je n’ay en effet rien dit à Beleſis de ce que vous dittes : cependant je ſuis aſſurée, que malgré cette civilité univerſelle que vous me reprochez, Beleſis n’a pas laiſſe de remarquer que je fais une notable difference de luy à beaucoup d’autres. Parlez Beleſis, interrompit Cleodore, Leoniſe dit elle la verité ? & avez vous pû eſtre aſſez fin, pour diſcerner l’eſtime qu’elle fait de vous, de celle qu’elle teſmoigne avoir pour toute la Terre ? Beleſis ſe trouva alors bien embarraſſé : car il ne vouloit point deſobliger Leoniſe, & craignoit auſſi de fâcher Cleodore. De ſorte que prenant un biais, aſſez adroit ; j’ay ſi peu de droit à l’eſtime de la belle Leoniſe, reprit il, que je ne devrois pas ſans doute m’eſtre imaginé qu’elle deuſt faire quelque difference de moy, aux moins honneſtes gens qui la voyent : mais comme je me flatte aſſez ſouvent, & que je crois facilement les choſes que je deſire, j’advoüe qu’il m’a ſemblé que je remarquois je ne sçay quoy en la civilité qu’elle avoit pour moy, de plus obligeant que pour quelques