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que de plus elle ne croyoit pas qu’elle deuſt entreprendre rien, dans une Maiſon où elle n’eſtoit que pour obeïr. Cleodore n’oſoit pas en parler à ſa Tante, parce qu’elle sçavoit bien qu’elle ne trouvoit pas bon qu’elle fuſt d’humeur ſi particuliere : ainſi ne sçachant que faire, elle pria un jour Beleſis (apres avoir remarqué qu’il parloit ſouvent à Leoniſe, & que Leoniſe avoit beaucoup de creance en luy) de vouloir luy dire qu’elle ſe faiſoit tort d’avoir une civilité ſi univerſelle : car enfin, luy dit elle, ſi elle vous dit qu’elle n’aime point à deſobliger perſonne ; dittes luy qu’elle doit plus raiſonnablement aprehender de n’obliger jamais un honneſte homme à l’eſtimer : & en effet, comment pourra t’on croire qu’elle ait autant d’eſprit qu’elle en a, ſi elle continuë d’avoir une civilité ſi égalle pour tous ceux qui la voyent ? Comme Cleodore diſoit cela, ſans penſer eſtre entenduë que de Beleſis, Leoniſe qui eſtoit dans un Cabinet où elle ne penſoit pas qu’elle fuſt, ſortit en riant : & venant à Cleodore avec une bonté extréme ; du moins, luy dit elle, ne me faites pas mon procès ſans m’entendre : & eſcoutez moy auparavant que de me condamner. Cleodore voyant que Leoniſe avoit entendu ce qu’elle avoit dit, fit ſemblant d’avoir bien sçeu qu’elle eſtoit dans ce Cabinet, & d’avoir parlé exprès comme elle avoit fait, afin qu’elle l’entendiſt. Cependant, adjouſta t’elle, je ne laiſſe pas de vous redire ſerieuſement devant Beleſis, qui sçait admirablement bien le monde, qu’il n’y a que de deux ſortes de perſonnes qui aiment cette multitude de gens ſans choix, qui vous accablent aujourd’huy. Mais encore, dit Leoniſe, aprenez moy un peu de quel ordre je ſuis : & qui ſont ces deux ſortes de Perſonnes qui aiment ce que je ne hais