Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/466

Cette page n’a pas encore été corrigée

nous biſſant Cleodore à Beleſis & à moy. Cependant comme les flatteries ne s’oublient jamais, quand elles ſont dittes agreablement ; celles que Beleſis avoit dittes à Cleodore à la promenade, le jour qu’il eſtoit arrive à Suſe, firent qu’elle ſe contraignit un peu plus qu’elle n’avoit accouſtumé : & qu’elle luy parla davantage qu’elle ne parloit pour l’ordinaire, à ceux qui n’eſtoient pas du monde qu’elle voyoit. Elle le traita pourtant en Eſtranger, à qui elle creut ne devoir parler que de choſes generales : c’eſt pourquoy prenant la parole ; je ne demande pas (luy dit elle avec un air qui faiſoit aſſez connoiſtre à ceux qui la connoiſſoient, qu’elle ſe preparoit à s’ennuyer) ſi Hermogene vous a fait voir tout ce qu’il y a de beau à Suſe, car je ne doute pas qu’il ne vous ait mené en tous les lieux où il aura creû vous divertir : c’eſt pourquoy faites moy la grace de me dire ce qu’il vous ſemble de nos Places publiques ; de nos Temples ; & de nos Promenoirs ; Tout ce que vous dittes là, reprit Beleſis, me ſemble admirablement beau : mais à vous parler ſincerement, adjouſta t’il en riant, il ne me ſemble pas fort propre à vous divertir : c’eſt pourquoy je vous conjure de ne me traitter pas en Eſtranger à qui on ne peut parler que des couſtumes de ſon Pais, ou que du chaud ou du froid qu’il fait en la Saiſon où on luy parle. Si j’euſſe eu l’honneur de vous voir dés le lendemain que j’arrivay icy, j’aurois eu patience que vous m’euſſiez parlé comme vous venez de faire : mais aimable Cleodore, il y a quinze jours que je ſuis à Suſe : de ſorte que ſi vous croyez que je ne sçache encore rien, ſinon que vos Rues ſont grandes, & droites : que vos Temples ſont beaux ; & vos Palais magnifiques, vous me traitez un peu cruellement : c’eſt