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infiniment ſage, elle ne vouloit pas railler du Prince Mexaris : mais comme nous voiyons qu’elle ſourioit, nous ne nous taiſions pas. Cependant comme elle n’avoit pas reſolu d’attendre Mexaris en ce lieu là, elle demanda à Perinthe par où il jugeoit qu’elle peuſt aller rejoindre la Princeſſe Palmis ? mais comme il ne le pouvoit pas sçavoir preciſément, il m’a dit depuis qu’il ſongea ſeulement à l’éloigner autant qu’il pourroit de Mexaris : & pour cét effet, il luy fit prendre une route toute oppoſée, à celle que la Chaſſe avoit priſe. En commençant donc de marcher, & entendant touſjours moins la voix des Chiens, & le ſon des Cors, la Princeſſe ſe tourna vers Perinthe, & luy dit avec une bonté extréme, qu’elle eſtoit bien marrie de le priver du plaiſir de la Chaſſe. Perinthe reſpondit à ce diſcours qui le ſurprit, d’une maniere qui fit ſi bien voir à la Princeſſe qu’il s’eſtimoit plus heureux d’eſtre où il eſtoit, que d’eſtre à la mort du Cerf ; qu’appellant Doraliſe, malicieuſe fille, luy dit elle, qui connoiſſez que Mexaris n’eſt pas amoureux de moy, parce qu’il a mieux aimé ſuivre le Cerf, que de demeurer aveque nous ; n’advoüerez vous pas que puis que Perinthe eſt demeuré ſi volontiers aupres de vous, ce doit eſtre parce qu’il vous aime ? Ha point du tout Madame, reſpondit elle, & je m’en vay le luy faire advoüer tout à l’heure. En effet, elle avoit deſja ouvert la bouche pour luy parler, lors qu’eſtant arrivez à ce grand chemin qui traverſe tout le Parc, nous aperçeuſmes à la gauche que nous priſmes, cinq ou ſix hommes à cheval qui venoient vers nous. D’abord, comme ils eſtoient encore aſſez loin, nous creuſmes que c’eſtoient des gens de la Chaſſe : mais aprochant plus prés, nous connuſmes que nous ne les connoiſſions