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que par amour. Apres cela nous nous miſmes à regarder toutes les Dames, & à les ſalüer : tout le monde eſtant fort ſurpris de voir Hermogene, & tout le monde luy faiſſant carreſſes, etluy demandant qui eſtoit Beleſis ? Apres avoir donc fait pluſieurs tours ; & bien Beleſis, luy dit Hermogene, trouvez vous quelqu’une de nos Belles, qui puiſſe raiſonnablement pretendre à la gloire de vous vaincre ? le trouve leur beautê admirable, luy repliqua t’il, mais s’il faut vous dire la verité, je n’en ay point veû qui m’ait donné une certaine eſmotion de cœur & d’eſprit, qui pour 1 ordinaire ſuit le premier inſtant que l’on voit une tres belle Perſonne que l’on eſt deſtiné d’aimer, & qui precede touſjours l’amour que l’on doit avoir pour elle : de ſorte que ſi cette Cleodore, que vous dittes qui n’eſt point icy, ne fait ce que les autres n’ont pu faire, vous me tiendrez conte s’il vous plaiſt du ſejour que je ſeray à Suſe : puis que ſelon les aparences, je n’y deviendray pas amoureux. Comme Beleſis diſoit cela, je vy paroiſtre au bout des Allées du coſté de Suſe, un Chariot qui me ſembla eſtre celuy d’une Tante de Cleodore, chez qui elle demeuroit, n’ayant point de Mere : je ne l’eus pas pluſtoſt veû, que je le montray à Hermogene : qui l’ayant reconnu auſſi bien que moy, dit en riant à Beleſis, qu’il faloit aller au devant de ſou Vainqueur. Je ne ſuis pas encore enchaiſné, reprit il en ſous-riant à ſon tour : cependant il ne laiſſa pas de nous ſuivre : Hermogene le faiſant paſſer du coſté qu’il sçavoit que cette belle Perſonne avoit accouſtumé de ſe mettre. Mais enfin eſtant arrivez aupres de ce Chariot, Beleſis y vit Cleodore plus belle que je ne l’avois jamais veuë : comme elle eſtoit venuë tard à cette promenade, ſon voile n’eſtoit pas abaiſſé : de ſorte que Beleſis