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fois que j’avois tort, & qu’il avoit raiſon ? Pour vous monſtrer, dit alors Hermogene, que je n ay pas beſoin de déguiſer la verité, je contents que vous diſiez vous meſme tout ce qui s’eſt paſſe entre nous : je ne le pourrois pas, reprit il, car le temps m’a ſi peu ſoulagé, qu’il me ſeroit impoſſible de redire tout ce qui m’eſt advenu, ſans rentrer dans mon premier deſeſpoir. Pour les mettre d’accord (interrompit Abradate parlant à Cyrus) il faut que ce ne ſoit ny Beleſis, ny Hermogene, qui racontent leurs advantures : & qu’un de leurs Amis communs, qui n’ignore pas la moindre de leurs penſées vous les aprenne. Ha Seigneur, repliqua Beleſis, il n’y a qu’Alcenor au monde qui puiſſe faire ce que vous dittes ! auſſi eſt— ce luy dont j’entens parler, repliqua Abradate, & je m’eſtonne que vous ne l’ayez pas veû : puis qu’il arriva à Sardis deux jours devant que l’en partiſſe, & m’a par conſequent ſuivy icy. Il faudroit pluſtoſt s’eſtonner s il l’avoit veû, reprit le Prince Mazare, car Beleſis n’a voulu voir perſonne depuis que nous avons quitté noſtre Deſert, que lors qu’il a creû me pouvoir ſervir à delivrer la Princeſſe Mandane. Apres cela Cyrus preſſant ces deux Ennemis de trouver bon que celuy qu’Abradate leur avoit nomme, luy apriſt la cauſe de leurs differents, puis qu’ils ne vouloient pas la dire eux meſmes, ils y conſentirent : demandant touteſfois à voir Alcenor auparavant qu’il parlaſt, ce qu’on leur accorda ſans reſiſtance. Si bien que ſans perdre temps, la Reine de la Suſiane l’ayant fait chercher, on le trouva à l’heure meſme ; & on le fit voir à ces deux Amis, qui luy recommanderent l’un & l’autre, de dire la verité toute pure : leur ſemblant qu’ils n’avoient beſoin d’autre choſe pour ſe juſtifier.