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de bonne mine arrivant dans cette Ville, vint deſcendre de cheval, devant la Maiſon qui touchoit celle où Beleſis eſtoit : de ſorte que jettant fortuitement les yeux ſur cette Peinture, il la reconnut : & en fut ſi ſurpris, que ne pouvant comprendre comment ce Portait pouvoit eſtre en Lydie, il ne pût s’empeſcher de demander à celuy qui le tenoit, qui luy avoit donné cette Peinture ? adjouſtant meſme qu’elle luy apartenoit : car cét Eſtranger sçavoit la langue Lydienne. Mais à peine eut il dit cela, que Beleſis l’entendant, & connoiſſant le ſon de la voix de celuy qui parloit, il reprit avec precipitation, le Portrait qui eſtoit à luy : & ſe tournant vers cét Eſtranger, il vit en effet qu’il ne ſe trompoit pas : etque c’eſtoit effectivement celuy qu’il avoit penſé entendre. De ſorte que ſe reculant d’un pas ; ha Hermogene (s’eſcria t’il, emporté de douleur & de deſeſpoir, & en portant meſme la main ſur ſon Eſpée) c’eſt me pourſuivre trop loin, ettrop opiniaſtrément, que de venir juſques en Lydie, pour m’arracher une Peinture, dont vous m’avez ſi cruellement dérobé l’Original. Hermogene fut ſi ſurpris de la rencontre de Beleſis ; & tant de choſes differentes occuperent ſon eſprit : tout à la fois, qu’il fut un temps ſans ſe mettre en deffence, & ſans sçavoir ſeulement ſi ce qu’il voyoit eſtoit poſſible. Il n’eut meſme pas le loiſir de deliberer ce qu’il avoit à faire : car Orſane qui avoit accompagné Mazare chez Panthée, ayant eu beſoin d’aller dans la Ville, paſſa fortuitement comme Beleſis avoit porté la main ſur la Garde de ſon Eſpée, & comme Hermogene ne sçavoit ſi ce qu’il voyoit eſtoit vray ou faux. Si bien qu’appellant du monde à ſon ſecours, il ſe ſaiſit, & de Beleſis, & d’Hermogene qu’il ne connoiſſoit pas, comme de