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mais pour le Prince Phraarte, il n’en eſtoit pas de meſme : luy eſtant abſolument impoſſible de voir jamais la Princeſſe Araminte qu’irritée. Le Prince Tigrane regrettoit l’abſence de ſa chere Oneſile, comme faiſoit Aglatidas celle d’Ameſtris : auſſi bien que Tegée & Feraulas s’affligeoient de la captivité de Cyleniſe, & de celle de Marteſie. Enfin on euſt dit que l’amour eſtoit l’ame de cette Armée, n’y ayant preſques pas une perſonne conſiderable en tout le Camp de Cyrus, qui ne ſe louaſt ou ne ſe plaigniſt de cette paſſion.

Mais pendant qu’elle partageoit les penſées de tant de Perſonnes illuſtres dans le Party de Cyrus, le Roy de Lydie ne donnoit toutes les ſiennes qu’à la colere & qu’à la vangeance. La fuitte des Priſonniers de guerre l’affligeoit ſenſiblement : le départ du Prince de Claſomene l’inquietoit encore plus : & le changement de Party du Roy de la Suſiane & d’Andramite, le mettoient en une fureur eſtrange. Le Prince Myrſile parut auſſi fort affligé ; qu’Andramite euſt fait ce qu’il avoit fait, quoy qu’il euſt beaucoup contribué à aigrir les choſes, ſans que l’on en compriſt la raiſon. Pour le Roy de Pont, il eut des ſentimens bien differents : car il fut fort fâché qu’Abradate, le Prince de Claſomene, & Andramite fuſſent allez fortifier le Party de Cyrus : mais il ne fut pas marry que le Roy d’Aſſirie & le Prince Mazare ne fuſſent plus à Sardis. Car encore que ce premier fuſt priſonnier, il ne laiſſoit pas de craindre qu’il ne tramaſt quelque choſe ; joint que c’eſt un ſentiment ſi naturel, que d’eſtre bien aiſe de l’abſence d’un Rival, qu’il ne pût eſtre fâché de celle de deux tout à la fois. Ainſi n’eſtant pas auſſi affligé que Creſus, il fit ce qu’il pût pour luy perſuader qu’il n’avoit pas autant perdu qu’il avoit penſé : le mal eſtoit que la fin de la Tréve aprochoit : ſi bien