Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/440

Cette page n’a pas encore été corrigée

des marques de voſtre amour, que vos ſoupirs & vos larmes : c’eſt pourquoy ſi elle joint toutes ces choſes enſemble, comme je n’en douce pas, je ſuis perſuadé que ſans vous faire grace, elle vous aimera un jour autant que vous l’aimez. Ha Feraulas, interrompit ce Prince, que ce jour eſt peut-eſtre loin ! & que de choſes j’ay encore à faire, auparavant que de pouvoir eſtre heureux, quand meſme la Fortune, Ciaxare, & ma Princeſſe, voudroient que je le fuſſe ! Il faut donner une Bataille & la gagner ; il faudra en ſuitte faire un Siege conſiderable ; & apres cela encore, combatre du moins le Roy d’Aſſirie. Voila Feraulas, les moindres difficultez que je puiſſe trouver, pour arriver juſques aux pieds de Mandane : afin de luy demander à genoux, la grace d’eſtre aimé d’elle. jugez donc ſi je ne dois pas plus craindre qu’eſperer : principalement apres tant de menaces des Dieux. Pendant que Cyrus s’entretenoit de cette ſorter ſes Rivaux n’avoient pas de plus douces penſées que luy : Beleſis & Orſane conſoloient le Prince Mazare autant qu’ils pouvoient : & taſchoient, en le loüant de la genereuſe reſolution qu’il avoit priſe, de l’y confirmer ſi puiſſamment, qu’il ne s’en repentiſt jamais. Ils avoient meſme l’adreſſe de flatter ſa paſſion, quoy qu’ils l’en vouluſſent guerir : c’eſt pourquoy ils luy diſoient, qu’infailliblement Mandane luy redonneroit ſon eſtime & ſon amitié, s’il continuoit d’agir comme il avoit commencé. Veüillent les Dieux (interrompit il, lors que Beleſis luy tint ce diſcours) que je ne deſire jamais davantage, ſi je ſuis aſſez heureux pour obtenir ce que vous dittes : je feray ſans doute tout ce que je pourray pour cela, pourſuivit il ; mais s’il arrive que je ne le puiſſe, & qu’en l’eſtat où ſeront les choſes, je n’