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effet ayant accepté ce qu’elle m’offroit, non ſeulement parce que je mourois d’envie de voir mon Maiſtre hors de Sardis, de peur que ce que nous avions tramé ne fuſt deſcouvert par Creſus ou par le Roy de Pont ; mais encore parce que j’en avois infiniment davantage de le voir Amy de l’illuſtre Cyrus : Enfin Madame, cette Grande Princeſſe eſcrivit : & me dit ſi fortement, que ſi Mazare agiſſoit ainſi, elle croiroit qu’il l’avoit vouluë delivrer, & luy redonneroit ſon eſtime & ſon amitié, que je la quittay, en l’aſſurant qu’elle n’avoit qu’à ſe preparer à luy rendre cette juſtice. Je taſchay encore auparavant à l’obliger de faire plus, mais il n’y eut pas moyen, quoy que Marteſie luy puſt dire. Apres cela, je fus retrouver mon Maiſtre, qui m’attendoit avec une impatience extréme, quoy qu’il n’eſperast rien du tout de mon voyage : & certes à dire vray, il luy fut avantageux de n’avoir rien eſperé, parce que cela luy fit recevoir plus favorablement la propoſition que la Princeſſe Mandane m’avoit faite. Car enfin Madame, comme en faiſant ce qu’elle vouloir, je l’aſſurois qu’elle luy ſeroit auſſi obligée, que s’il l’avoit remiſe en liberté : puis qu’elle connoiſtroit par là, qu’il auroit eu deſſein de le faire : & qu’elle luy prometroit de luy pardonner, & de luy redonner ſon amitié, il ne pût s’empeſcher d’en avoir quelque joye. Il eut pourtant beaucoup de douleur de voir qu’il ne pouvoit obeïr à la Princeſſe, ſans changer de Party legerement : ſon amour faiſant auſſi un dernier effort contre ſa vertu, fit encore qu’il fut une peine eſtrange à ſe reſoudre de rendre à l’illuſtre Cyrus le Billet de la Princeſſe Mandane : mais apres un combat de deux heures, qui ſe paſſa dans ſon cœur, la Vertu vainquit l’Amour : de ſorte qu’apres avoir eſté ce temps là