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ils n’ayent du moins eu intention que la pitié qui attache ſi facilement les malheureux les uns aux autres, fiſt que nous trouvaſſions quelque ſoulagement à nous entretenir de la difference de nos malheurs, & à nous rendre tous les offices que des Perſonnes priſonnieres ſe peuvent rendre. Apres cela, ces deux Princeſſes dirent encore beaucoup de choſes que je n’entendis pas bien, parce que Marteſie m’en empeſchoit. j’avois meſme eu aſſes de peine à l’obliger de me permettre d’eſcouter ce que je viens de vous dire : car elle me faiſoit touſjours quelque queſtion, où je reſpondois en deux mots, & meſme quelquefois de la teſte ſeulement : parce qu’ayant oüy que la Princeſſe Mandane avoit nommé une fois le Prince mon Maiſtre, je voulois touſjours sçavoir ſi elle n’en parleroit point davantage. C’eſt pourquoy malgré Marteſie, qui s’eſtoit ennuyée d’eſcouter, & qui me vouloit entretenir, l’entendis ce que je viens de dire : que j’ay eſté bien aiſé d’apprendre à l’illuſtre Cyrus, afin de luy faire juger qu’eſtant auſſi fidelle à mon Maiſtre que je le ſuis, je ne luy apprendrois pas les ſentimens avantageux que la Princeſſe Mandane a pour luy, ſi je ne sçavois avec certitude que le Prince Mazare n’y pretend plus rien. Mais pour revenir à mon diſcours, vous sçaurez, Madame, qu’enfin la Princeſſe de Lydie quitta Mandane, & paſſa de ſa Chambre dans la ſienne, qui n’en eſtoit ſeparée que par une petite Antichambre, qui eſtoit commune à toutes les deux.

Elle ne fut pas pluſtost ſortie, que sçachant qu’il n’y avoit plus qu’Arianite avec elle, je fus prendre mon Maiſtre au lieu où je l’avois laiſſé, pour l’amener dans la Chambre de Mandane : le Capitaine qui nous avoit fait entrer dans la Citadelle,