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pas en moy, vous m’aimaſſiez ſeulement parce que je ſuis malheureuſe comme vous, & de meſme maniere que vous ? Pour vous montrer, repliqua la Princeſſe Palmis, que l’amitié que je vous porte ne vient que de voſtre merite ſeulement, & point du tout de la reſſemblance de nos avantures ; il faut que je vous faſſe voir qu’il ne peut y avoir rien de plus eſloigné : eſtant certain que les evenemens qui en aparence ont le plus de rapport, ont des circonſtances qui les rendent ſi differents, qu’à parler raiſonnablement, on ne peut pas dire qu’ils ſe reſſemblent : & par conſequent vous ne devez pas croire que l’affection que j’ay pour vous, ait une ſemblable cauſe. j’advoüe touteſfois que quant à la naiſſance, il y a de l’égalité : mais comme vous ne parlez que des malheurs, je ne la mets pas en conte. je sçay bien auſſi, qu’encore que la maniere dont Cyrus & Artamas ont eſté expoſez, ſoit abſolument differente, c’eſt pourtant quelque eſpece de raport : cela eſt touteſfois une circonſtance de leur vie ſi generale, qu’ils ont cela de commun auſſi bien avec Semiramis & beaucoup d’autres de l’Antiquité qu’entre eux. Mais depuis cela, Madame, tout eſt different en leurs advantures : car enfin quand Cyrus n’eſtoit qu’Artamene, il sçavoit pourtant qu’il eſtoit Cyrus, & n’ignoroit nullement ſa condition : où au contraire, le malheureux Cleandre ne sçavoit luy meſme qui il eſtoit : & ſe trouvoit ſi eſloigné de ce que je ſuis, qu’il ne condamnoit guere moins ſon amour, que je l’euſſe condamnée ſi je l’euſſe sçeuë alors, & que je la condamnay quand je la sçeus. Artamene n’avoit qu’à dire qu’il eſtoit Cyrus, pour faire connoiſtre qu’il eſtoit d’une naiſſance égalle à la voſtre ;