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les miens. Il y a pourtant beaucoup de choſes qui ſe reſſemblent, repliqua Mandane : car enfin ſi le malheureux Cyrus a eſté expoſé, Artamas l’a eſté auſſi : que ſi l’un a changé ſon Nom en celuy d’Artamene, l’autre a porté celuy de Cleandre qui n’eſtoit pas le ſien. Ils ont tous deux eſté braves ; ils ont tous deux eſté Conquerans ; ils ont tous deux eſté amoureux : & s’il y a quelque difference, c’eſt que le Prince Artamas a aimé par raiſon, & que Cyrus a aimé par inclination ſeulement. Vous n’avez, interrompit la Princeſſe Palmis, qu’à tranſposer le Nom d’Artamas, & à le mettre à la place de celuy de Cyrus, & voſtre diſcours ſera juſte : de grace, laiſſez moy achever, pourſuivit Mandane : & voyons ſi je n’ay pas raiſon d’attribuer à la conformité de nos infortunes, la pitié que vous avez des miennes. En effet outre ce que j’ay deſja dit, ces deux Princes ont eſté aimez des Rois qu’ils ont ſervis, & ont tous deux eſté mis en priſon, par ceux pour qui ils avoient haſardé mille fois leur vie. Si Creſus vous a voulu mal, parce que vous ne haiſſiez pas l’illuſtre Cleandre, Ciaxare durant longtemps m’a preſques haie, parce que j’eſtimois trop Artarmene. Enfin que vous diray-je encore de plus ? Cyrus & Artamas ne furent ils pas priſonniers de guerre, quand Andramite nous amena icy ? n’avez vous pas eu pluſieurs perſecuteurs auſſi bien que moy.’et ſi Adraſte & Arteſilas ſont morts pour vous, le malheureux Mazare ne perit il pas à ma conſideration ? Ne ſommes nous pas à l’heure que je parle en meſme priſon ? & ne faut il pas tomber d’accord, qu’il ſemble que le Ciel ait eu deſſein de faire que ne me pouvant aimer par la reſſemblance de tant d’admirables qualitez qui ſont en vous, & qui ne ſont