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pour luy toute la complaiſance qu’une perſonne judicieuſe doit toujours avoir pour ceux qui la tiennent priſonniere ; il la ſuplia de luy vouloir donner une heure d’audiance : ſi bien que Marteſie paſſant de la Chambre de ſa Maiſtresse à la ſienne qui eſtoit tout proche, ce Capitaine nous vint querir : & ſuivant ce que nous avions concerté mon Maiſtre & moy, je fus ſeule parler à Maitefie, afin de la tromper comme je m’en vay vous le dire. Car nous sçavions bien que la Princeſſe Mandane ne sçavoit pas que mon Maiſtre ne fuſt point mort, & qu’il eſtoit à Sardis : parce qu’il y avoit un ordre ſi exprès de Creſus & du Roy de Pont, de ne dire nulle nouvelle aux Princeſſes, que nous ne douions pas craindre qu’on euſt dit celle là à la Princeſſe Mandane. Eſtant donc dans cette opinion, je fus conduit par ce Capitaine qui me laiſſa dans la Chambre de Marteſie : qui ne me vit pas pluſtost qu’elle me donna cent marques de joye & de tendreſſe. Ha Orſane, me dit elle, ne pourriez vous point encore une fois en voſtre vie me remener à Sinope, & m’y remener avec la Princeſſe ? Ouy aimable Marteſie, luy dis-je, & c’eſt pour vous en faire la propoſition que je ſuis icy. Ce que vous dittes a ſi peu d’aparence, repliqua t’elle que j’ay bien plus de ſujet de croire que l’on vous met priſonnier aveque nous, que je n’en ay de penſer que vous nous puiſſiez mettre en liberté : c’eſt pourquoy ſans vous amuſer à me dire un ſi agreable menſonge, dittes moy un peu en quel eſtat ſont les affairez generales ; car nous ne sçauons rien icy, que ce qu’il plaiſt au Roy de Pont, qui ne veut pas que l’on sçache autre choſe, ſinon qu’il eſt amoureux. Aprenez moy donc, je vous en conjure, ce que fait l’illuſtre Cyrus, & en quel