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afin de mourir pluſtost, & plus glorieuſement. Mais c’eſt qu’effectivement je dis la choſe comme je la penſe ; & qu’il n’eſt pas plus vray que vous eſtes amoureux de la Princeſſe Mandane, qu’il eſt vray que je n’y pretens plus rien : & qu’il eſt vray que je ſouhaite avec ardeur que vous la remettiez en liberté, & meſme entre les mains de Cyrus, pluſtost que de la sçavoir malheureuſe. Si ce que vous dittes eſt veritable, reprit le Roy de Pont, vous eſtes le plus vertueux de tous les hommes, ou le moins amoureux : & je m’eſtonne eſtrangement, ſi c’eſt le dernier, qu’une paſſion auſſi mediocre que doit eſtre la voſtre, vous ait obligé autrefois à enlever la Princeſſe Mandane, & à oublier tout ce que vous deviez au Roy d’Aſſirie. Comme les grands crimes, reprit mon Maiſtre, ſont ceux qui donnent les grands repentirs, il n’eſt pas fort eſtrange qu’ayant fait une double injuſtice, j’en aye une confuſion eſpouventable. Il eſt vray, repliqua le Roy de Pont, mais il l’eſt toujours beaucoup d’aimer, & de vouloir que l’on rende ſa Maiſtresse à un Rival aimé. Cependant, dit le Roy de la Suſiane, le Prince Mazare parle d’un air, qui me fait voir que ſa bouche exprime les veritables ſentimens de ſon cœur : c’eſt pourquoy je vous conjure tous deux de ne vous deſunir point, quels que puiſſent eſtre vos deſſeins à l’un & à lautre. Pour moy, reſpondit le Roy de Pont, ſi le Prince Mazare m’engage ſa parole, qu’il ne pretend plus rien à la Princeſſe Mandane, & qu’il n’a aucun deſſein caché de l’enlever eſgalement & à Cyrus, & à moy, je vivray aveque luy comme s’il n’eſtoit point mon Rival. Abradate prenant alors la parole, demanda à Mazare s’il ne vouloit pas bien s’engager à ce que deſiroit le Roy de Pont ? puis que de luy meſme il avoit advoüé ne pretendre