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Madame, luy dit elle, je ſuis bien trompée ſi vous ne vous abuſez : & ſi la rougeur de Perinthe, ne marque que je ne me trompe point. Mais, luy dit Panthée, vous ne donnez pas loiſir à Perinthe de vous reſpondre : & vous voulez deſja me condamner ſans l’avoir entendu. Cependant, adjouſta la Princeſſe, sçachez Perinthe qu’il s’agit de perſuader à Doraliſe, que l’on peut eſtre auſſi honneſte homme que vous eſtes, ſans eſtre amoureux, on ſans l’avoir eſté : & c’eſt pour cela qu’il faut que vous luy diſiez, s’il y a quelque belle perſonne à Claſomene, que vous regrettiez à Sardis. Puis que je ſuis obligé de reſpondre preciſément (repliqua Perinthe, apres s’eſtre un peu remis) je vous proteſteray ſans menſonge, que depuis que je ſuis à Sardis, je n’ay point ſongé à Claſomene. Mais c’eſt peut-eſtre (adjouſta Doraliſe parlant à la Princeſſe) que Perinthe eſt amoureux de quelqu’une de vos Filles : & qu’ainſi ſans dire un menſonge, il ne laiſſe pas d’aimer. Perinthe rougit une ſeconde fois du diſcours de Doraliſe : ce que voyant la Princeſſe, & croyant que le changement de ſon viſage, n’eſtoit cauſé que parce qu’il avoit quelque confuſion d’eſtre obligé d’avoüer qu’il n’aimoit rien ; en verité, luy dit elle, Perinthe, vous eſtes admirable : d’avoir honte de confeſſer une choſe, dont vous devriez faire gloire. Car enfin, je tiens qu’il eſt touſjours beau, de n’avoir jamais eſté vaincu : il eſt des Vainqueurs ſi illuſtres, reprit il froidement, que je penſe que l’on pourroit advoüer ſa deffaite ſans des honneur. Mais enfin, dit Doraliſe, aimez vous, ou n’aimez vous pas ? car c’eſt cela qu’il m importe de sçavoir. Si j’aime, reprit il, il faut croire qu’il m’importe de ne le pas deſcouvrir, puis que perſonne ne le sçait : & ſi je