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clairement qu’Andramite avoit fait la choſe ſans penſer la faire, tout le monde le pleignoit : de ſorte que mon Maiſtre, qui dans le deſſein qu’il avoit, ne cherchoit qu’à faire amitié avec des gens de qualité, puiſſans & meſcontens tout enſemble, ſervit Andramite autant qu’il pû » t en cette occaſion, & le ſervit meſme utilement : eſtant certain que Creſus deffera plus aux raiſons & aux prieres de mon Maiſtre, qu’il n’avoit fait à celles de beaucoup d’autres, qui luy avoient parlé pour Andramite : ce qui l’obligea ſi ſensiblement, qu’il luy promit une amitié eternelle. Mais quoy que Creſus reviſt Andramite comme auparavant, il demeura toujours dans ſon cœur un ſecret deſpit d’avoir pû eſtre ſoubçonné par un Prince à qui il avoit tant donné de marques d’une grande fidelité : pour le Roy de Pont, il eut une douleur la plus grande du monde, que vous n’euſſiez pas eſté pris : luy ſemblant que ſi cela euſt eſté, la guerre euſt pû ſe terminer heureuſement pour luy, en vous rendant la liberté, pour ſatisfaire à ce qu’il vous doit : & en ne la rendant jamais à la. Princeſſe Mandane, pour ſatisfaire ſa paſſion. Comme les choſes eſtoient en cét eſtat, nous sçeuſmes auſſi que Tegée fils du Gouverneur de la Citadelle, eſtoit parmy les priſonniers de guerre que l’on avoit faits : & comme nous apriſmes en meſme temps, qu’il eſtoit amoureux d’une Fille apellée Cyleniſe, qui eſtoit dans la Citadelle avec la Princeſſe Palmis ; le Prince mon Maiſtre pria Beleſis qui a l’eſprit fort adroit, de chercher les voyes de le voir : & de sçavoir de luy s’il n’avoit plus nulle intelligence dans la Citadelle afin que l’on puſt delivrer ſa Maiſtresse, & peut— eſtre le delivrer luy meſme. Beleſis ſe chargea donc de cette commiſſion, à cauſe que mon Maiſtre ne pouvoit