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car lors que paſſant devant nous, il la vit ſi belle & ſi triſte tout enſemble ; & qu’il s’imagina qu’il eſtoit la cauſe de cette triſtesse ; il eut une douleur que je ne vous puis repreſenter, qu’en vous diſant qu’il eſt impoſſible de vous la dépeindre. A peine avoit il perdu de veuë le Chariot où eſtoit la Princeſſe Mandane, avec la Princeſſe Palmis, que comme il eſtoit preſt de ſe retirer de la feneſtre, il vit paroiſtre le Roy d’Aſſirie, environné de Soldats, qui le conduiſoient avec les autres Priſonniers : à la reſerve du Prince Artamas, qui ne fut amené à Sardis que quelques jours apres, à cauſe de ſes bleſſures. Mon Maiſtre voyant donc en meſme temps, le Prince qu’il avoit offencé, & la Princeſſe qu’il avoit enlevée : il ſentit une douleur ſi exceſſive, qu’il fut fort longtemps ſans pouvoir ſeulement reſpondre à ce que je luy diſois pour le conſoler : & je croy meſme qu’il n’auroit pas encore ſi toſt ceſſé d’entretenir ſes propres penſées, ſi Beleſis ne fuſt entré. Il n’eut pourtant plus cette ſorte curioſité, de sçavoir comment c’eſtoit paſſé l’entreveuë du Roy de Pont & de Mandane : & il eſcouta preſques Beleſis ſans l’entendre, tant la veuë de cette Princeſſe avoit aporté de trouble dans ſon eſprit. Mais Seigneur, luy dis-je, j’avois perſé que comme la croyance de la mort de la Princeſſe Mandane avoit cauſé voſtre plus grand deſespoir, la certitude de ſa vie, telle que vous la venez d’avoir par ſa veuë, feroit auſſi voſtre plus ſensible conſolation : & cependant je vous voy plus affligé que vous n’eſtiez ces jours paſſez. Quoy Orſane, me dit il, vous croyez que je puiſſe voir Mandane triſte & captive, ſans en avoir une douleur extréme ? & triſte & captive encore par moy ſeulement. Ha