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beaucoup plus que l’autre. Quoy qu’il en ſoit, en fort peu de jours Telephane fut connu de toute la Cour & de toute l’Armée : Creſus luy offrit meſme employ, mais il ne voulut touteſfois pas en prendre : de peur que cela ne luy oſtast la liberté de profiter de l’occaſion s’il s’en preſentoit quelqu’une : & il ſongea ſeulement à n’eſtre point ſuspect, & à s’intriguer avec diverſes perſonnes. Comme il sçavoit que ce ſeroit dans la Citadelle que l’on logeroit la Princeſſe Mandane, quand elle arriveroit à Sardis : il fit deſſein de faire amitié avec celuy qui en eſtoit Gouverneur ; & il reüſſit ſi bien, qu’en effet il acquit grand pouvoir ſur ſon eſprit. Cependant la negociation de Creſus & du Roy de Pont, ne ſe pouvant tout à fait achever ſans une entreveuë, il fut reſolu qu’ils ſe verroient aſſez proche de Sardis : de ſorte qu’apres eſtre tombez d’accord de toutes leurs conditions, comme ils craignoient qu’en amenant la Princeſſe Mandane, & la Princeſſe Palmis, on n’entrepriſt quelque choſe pour les delivrer ; afin de mieux cacher leur départ, Creſus voulut d’authorité abſoluë, qu’elles partiſſent d’Epheſe durant que le Roy de Pont n’y eſtoit pas : afin de tromper les Eſpions que vous ou le prince Artamas pouviez y avoir. Le Roy de Pont s’y oppoſa pourtant extrémement : diſant que puis que la Riviere d’Hermes eſtoit entre voſtre Camp & le chemin que ces Princeſſes devoient tenir, il ne devoit rien aprehender : mais Creſus luy ayant dit que le Prince Artamas avoit tant de Creatures dans ſon Eſtat, qu’il devoit tout craindre de ſes propres Sujets, auſſi bien que de ſes Ennemïs, il falut qu’il ce daſt par force : & qu’il conſentist que l’on envoyaſt ordre à Andramite d’eſcorter ces Princeſſes, & de les conduire avec