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le Prince mon Maiſtre, à reſver ſur ma fortune preſente, ſans pouvoir imaginer ce que je veux faire, ny ſeulement ce que je dois faire. j’advoüe touteſfois que je ſens dans mon cœur, malgré que j’en aye, un ſi violent deſir de voir la Princeſſe Mandane, que je ne sçay ſi l’y pourray reſister ; mais je ſens en meſme temps, une ſi grande confuſion de mon crime, que je ne penſe pas que je puiſſe me reſoudre à en eſtre veû : ſi bien que craignant en un meſme moment, la meſme choſe que je deſire avec ardeur, je ne sçay quelle reſolution prendre. De plus, quand je me ſeray determiné à la voir, comment feray-je pour en venir à bout ? ſi je vay en Lydie où elle eſt allée, & que je me preſente à Creſus. qui eſt Chef de la Ligue qu’Orſane dit que l’on fait contre Cyrus, il ſe trouvera que je combatray pour le Roy de Pont, & contre un Prince qui veut delivrer la Princeſſe. Si je vay à l’Armée de Cyrus afin d’avoir la gloire de combatre pour Mandane, il faudra au lieu de cela, combatre peut-eſtre, & Cyrus, & le Roy d’Aſſirie, & mourir ſans avoir reparé mon crime, par quelque ſervice conſiderable. Que feray-je donc ? diſoit il, je ne puis me reſoudre à combatre ny pour le Roy de Pont ; ny pour le Roy d’Aſſirie ; ny pour Cyrus : cependant je ne puis prendre de party dans cette guerre, ſans ſervir quelqu’un de mes Rivaux, tant mon deſtin eſt bizarre : & il eſt abſolument impoſſible, que j’imagine rien qui me puiſſe jamais eſtre avantageux. Au reſte, adjouſta t’il, puis que la Princeſſe Mandane aimoit Cyrus, quand il n’eſtoit qu’Artamene, & que pour luy eſtre fidelle elle meſprisoit le plus Grand Roy de toute l’Aſie, qu’elle aparence y a t’il, qu’aujourd’huy que cét Artamene eſt devenu Cyrus,