Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/349

Cette page n’a pas encore été corrigée

là, & d’aprendre qui eſtoit cét Eſtranger, & quand ils s’eſtoient rencontrez, je pris la liberté de le luy demander ; le ſupliant de me pardonner ſi je la prenois, & le conjurant de croire, qu’elle n’eſtoit cauſée que par l’affection que j’avois pour luy. Il eſt juſte, me dit il, Orſane, qu’un Prince de qui vous avez tant eu de foin, & que vous avez cherché ſi longtemps, vous rende conte de ſa vie : mais pour le pouvoir faire plus commodément, ſuivez nous Beleſis & moy, me dit il, & venez voir le Palais que nous habitons. Helas Seigneur, luy dis-je en le ſuivant, je penſe que ce Palais eſt plus beau par dehors que par dedans : & qu’il y a une notable difference de voſtre Grotte au bois qui la borde. Vous en jugerez bientoſt, me reſpondit Beleſis ; & en effet eſtant entré apres eux, je fus eſtrangement eſpouventé de voir ce que je vis : car Seigneur, l’Art ny la Nature joints enſemble, n’ont jamais rien fait de ſi beau en nul lieu du monde, que ce que la Nature toute ſeule a fait en celuy là. je vy donc que cette Grotte eſtoit extrémement profonde ſans eſtre obſcure, parce que divers ſoupiraux qui percent la Montagne en biaiſant, l’eſclairent aſſez pour faire que l’on en puiſſe remarquer toutes les beautez, qui ne ſont pas ordinaires. Mille congelations admirables, ſont les ornemens de cette Grotte, où l’on voit des Colomnes ; des Pilaſtres ; des Feſtons ; des Feüillages ; des Arabeſques ; des Animaux ; des Urnes ; des Tombeaux, & mille autres belles choſes, toutes d’une matiere ſi tranſparente, que le Criſtal ne l’eſt pas davantage. Aux deux coſtez de cette merveilleuſe Grotte, je vy encore deux Fontaines, qui ſans ſe déborder & ſans tarir, demeurent touſjours en meſme eſtat : leurs eaux s’eſcoulant ſans doute imperceptiblement,