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le Prince Mazare en converſation aveque moy, que je le fus de voir que mon Maiſtre avoit compagnie dans ſa Solitude, nous nous regardaſmes avec un eſgal eſtonnement. Mais le Prince Mazare l’ayant apellé, venez Beleſis, luy dit il, venez m’aider à connoiſtre ſi Orſane dont je vous ay tant parlé, & que je contois entre les pertes que je croyois avoir faites, dit effectivement la verité. Alors celuy que mon Maiſtre avoit apellé Beleſis entendant mon nom s’avança : & me ſalüant avec une civilité qui me fit connoiſtre que tout ce que le Prince Mazare aimoit luy eſtoit cher, je luy rendis ſon falut avec beaucoup de reſpect : apres quoy mon Maiſtre me fit redire à Beleſis tout ce que je luy avois deſja dit : m’obligeant encore plus d’une fois, à luy aſſurer que je parlois avec ſincerité. En ſuitte m’ayant demandé comment j’eſtois eſchapé du naufrage ; comment j’eſtois venu en Cilicie ; comment j’avois pû trouver ſon Deſert ; & ſi je n’avois point sçeu ce qu’eſtoit devenu Tiburte ; je ſatisfis pleinement ſa curioſité : & luy apris meſme la mort de ce ſage Vieillard, jugeant qu’il la ſentiroit moins aigrement dans le meſme temps qu’il aprenoit que Mandane n’eſtoit point morte, que ſi je differois davantage à la luy dire. Il ne laiſſa pourtant pas d’en eſtre touché, & de le regretter extrémement : & comme Beleſis & luy n’avoient fait autre choſe depuis qu’ils eſtoient enſemble, que ſe raconter toute leur vie, & que parler continuellement de leurs malheurs, il pleignit auſſi le pauvre Tiburte, comme s’il l’euſt fort pratiqué, quoy qu’il ne le connuſt que ſur le raport du Prince Mazare. Cependant comme j’avois une curioſité extreme de sçavoir comment mon Maiſtre eſtoit venu en ce lieu