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longtemps. je deſcendis donc de mon cheval : & apres en avoir paſſé la bride à mon bras (car je ne pouvois où l’attacher, n’y ayant point d’Arbre en cét endroit) je m’aſſis ſur une Roche : & m’apuyay contre une autre, me reſolvant à paſſer la nuit en cét eſtat, & à faire tout ce que je pourrois, pour m’empeſcher de dormir : de peur que mon cheval ne s’eſchapast, ou que quelque beſte ſauvage ne vinſt à moy. Et en effet, je la paſſay preſque tout entiere ſans pouvoir fermer les yeux, & ſans meſme en avoir envie : tant parce que l’obſcurité en un lieu deſert comme celuy là, porte avec elle je ne sçay quelle terreur, qui eſt incompatible avec le ſommeil ; que parce que l’entendis continuellement paſſer & repaſſer à l’entour de moy, une multitude eſtrange de ces Animaux larrons dont je vous ay dit que toute la Montagne eſt remplie. Mais à la fin m’eſtant accouſtumé au bruit qu’ils faiſoient, la laſſitude où j’eſtois d’avoir tant erré parmy ces Rochers ſans avoir mangé, fit qu’un peu devant le jour je m’aſſoupis malgré moy, & ne me reſveillay qu’au Soleil levant : encore crois-je que j’aurois dormy plus longtemps, ſi une de ces Beſtes malicieuſes, ſuivant ſon inclination naturelle, ne m’euſt reſveillé en ſur-ſaut, en me tirant de ma poche des Tablettes dans leſquelles j’avois eſcrit la route que je devois tenir : De ſorte qu’encore que l’on die que pour l’ordinaire ces Squilaques ſont auſſi adroits au larcin, que le le ſont les Lacedemoniens : celuy qui me prit mes Tablettes m’eſveilla. je n’eus pas pluſtost les yeux ouvers, que voyant cét Animal qui s’enfuyoit avec mes Tablettes à ſa gueule, je montay à cheval & courus apres, criant de toute ma force, afin qu’en l’eſpouventant, je l’obligeaſſe à les laiſſer tomber : & en effet, apres m’avoir fait longtemps courir