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route, ſans la ſuivre de ſi prés : c’eſt pourquoy ayant sçeu que cette Princeſſe alloit s’embarquer à un Port de Cilicie qu’on me nomma, pour faire voile à Epheſe, je gagnay le devant, & fus en ce lieu là, m’informant à toutes les Maiſons où les Eſtrangers logeoient, ſi celuy que je cherchois n’y ſeroit point. Je fus auſſi à tous les Vaiſſeaux qui devoient bientoſt faire voile, afin de sçavoir s’il n’y avoit point quelques Paſſagers qui deuſſent s’embarquer : mais quoy que je puſſe faire, ny devant que la Princeſſe Mandane fuſt arrivée en ce lieu là, ny apres qu’elle y fut, ny depuis qu’elle en fut partie, je n’apris nulles nouvelles de ce que je cherchois : de ſorte que je demeuray ſur le Rivage, avec une douleur ſi grande, apres avoir veû embarquer la Princeſſe Mandane, que l’on peut dire que le Prince Mazare mourut encore une fois pour moy ce jour là. En effet, je ne doutay point du tout qu’il ne ſe fuſt porté à quelque extréme reſolution, ou que du moins il ne fuſt mort de melancolie, en quelque lieu où il ne ſe ſeroit pas meſme fait connoiſtre en mourant : car comme je sçavois par diverſes Perſonnes que j’avois veuës à l’Armée d’Armenie, que le Prince Mazare n’eſtoit point retourné aupres du Roy ſon Pere, & que je ne le trouvois point aupres de la Princeſſe qu’il adoroit, je ne pouvois m’imaginer autre choſe, ſinon qu’il eſtoit mort.

Eſtant donc dans un deſplaisir ſi grand, & ne pouvant plus conſerver nulle eſperance, je me reſolus de m’en retourner en mon Pais : car encore que j’euſſe promis à Triburte d’errer toute ma vie, juſques à ce que l’euſſe trouvé mon cher Maiſtre ; je ne creûs pas qu’il faluſt executer ſi ſcrupuleusement cette promeſſe : & je penſay que n’eſperant plus du tout de trouver le Prince Mazare, il