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ou du moins à ſe raprocher de la Princeſſe qu’il aimoit. Mais Madame, pourquoy m’amuſer davantage à vous parler de Tiburte ; qui ſembla n’avoir languy ſi longtemps, que pour attendre que je l’euſſe veû ? car le jour ſuivant il luy empira conſiderablement, & il mourut le lendemain.

Je ſentis ſans doute cette perte avec beaucoup de deſplaisir : de ſorte que je ne jouïs pas avec tranquilité, de la joye que j’avois de sçavoir que le Prince mon Maiſtre n’eſtoit pas mort comme je l’avois creû. Cependant apres avoir rendu les derniers devoirs à Tiburte, & avoir remercié le mieux qu’il me fut poſſible celuy qui l’avoit aſſisté, ſans l’avoit pû obliger à accepter nulle marque de ma reconnoiſſance ; je partis pour m’en aller errant ſans sçavoir preciſément où j’allois. je creûs pourtant que le mieux que je pouvois faire, eſtoit de m’aprocher de Mandane : eſtant à croire qu’un Prince qui eſtoit eſperdûment amoureux d’elle, & qui l’avoit creuë morte, voudroit chercher les occaſions de la voir reſſuscitée. Enfin concluant que s’il n’avoit plus d’amour, il s’en retourneroit aupres du Roy ſon Pere, & que s’il en avoit encore il ſuivroit cette Princeſſe, je me reſolus à faire deux choſes : l’une d’envoyer un Eſclave qui me ſervoit, & qui eſtoit fidelle & plein d’eſprit, vers la Reine des Saces, afin de la tirer de l’inquietude où elle eſtoit ; luy mandant touteſfois que je penſois qu’il eſtoit à propos de ne publier pas que le Prince Mazare fuſt vivant, juſques à ce qu’on l’euſt retrouvé : & l’autre, apres avoir erré encore quelques jours à l’entour de Sinope, où je craignois qu’il ne fuſt demeuré malade, de m’en aller en Armenie, où l’on diſoit alors qu’eſtoit la Princeſſe Mandane. En effet, je fis ce que j’avois reſolu : j’envoyay l’Eſclave, & je cherchay avec un ſoin tres exact, à taſcher