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ù Tiburte commença de le ſuivre, il ne le pût joindre : il marcha pourtant un jour & demy, pendant quoy il eut la conſolation de sçavoir deux ou trois fois, qu’il marchoit par les meſmes lieux où il avoit paſſé. Mais ce qui l’affligeoit eſtrangement, eſtoit de voir par le raport de ceux qui luy diſoient l’avoir veû, aux ſignes qu’il leur en donnoit, qu’il ne tenoit point de routte aſſurée, & qu’il quittoit tous les grands chemins. Comme Tiburte eſtoit fort vieux, il ne pût pas voyager longtemps avec tant d’affliction ſans tomber malade : de ſorte qu’il fut contraint de s’arreſter, douze ou quinze jours apres que le Prince Mazare ſe fut ſeparé de luy. Par bonheur, il trouva un Petit Temple dedié à Cerés, baſti au milieu d’une Campagne, ſans autre habitation que c’elle du Sacrificateur qui demeure tout contre : ſi bien que ſe ſentant fort mal, il s’arreſta en ce lieu là, & demanda du ſecours. En effet la Sacrificateur qu’il y trouva, en eut un ſoin fort particulier : car comme Tiburte eſtoit un homme de beaucoup d’eſprit, il fit bientoſt connoiſtre à cét hoſte charitable, qu’il meritoit d’eſtre ſecouru. Auſſi le fut il admirablement : il ne pût touteſfois recouvrer la ſanté : & tout ce qu’il pût faire, fut ſeulement de faire durer ſes maux, & de prolonger ſa vie, juſques à ce que le hazard, qui fait quelqueſfois des prodiges, m’euſt conduit au meſme lieu où il eſtoit, comme je vay vous le dire. Vous sçaurez, Seigneur, dit Orſane à Cyrus, que lors que vous partiſtes de Sinope, pour aller en Armenie, je vous demanday la permiſſion de retourner vers le Roy mon Maiſtre, quoy que j’euſſe une aſſez grande douleur d’eſtre contraint de le revoir ſans luy remener le Prince Mazare : de ſorte qu’eſtant party d’aupres de vous chargé de preſens ; ravy d’admiration : &