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les voyes de ſubsfister quelque temps : mais la difficulté eſtoit d’aborder en un lieu ſeur. Ne ſcachant donc quel conſeil prendre, ils s’eſloignerent de Sinope, ſans sçavoir preciſément quelle route ils devoient tenir : à la fin neantmoins ce Peſcheur voyant l’inquietude de Tiburte, luy dit que s’il vouloit ſe fier à luy, il le meneroit en un lieu où on ne le trouveroit point. Et en effet, luy ayant apris qu’il n’eſtoit pas nay où il demeuroit preſentement, & qu’il eſtoit d’une petite Iſle qui n’eſtoit habitée que par des Peſcheurs, parmy leſquels il avoit pluſieur Parens, il conſentit qu’il les y menaſt : ce Peſcheur promettant à mon Maiſtre de luy aller dire en ce lieu là, ſi on auroit eu quelques nouvelles de la Princeſſe Mandane, ou ſi on auroit retrouvé ſon corps. Ne pouvant donc faire autre choſe, ils furent aborder à cette petite Iſle, qui n’eſt preſque qu’un grand Rocher, & qui n’eſt qu’à une journée & demie de Sinope : celuy qui les conduiſoit les logea chez une Sœur qu’il avoit, dont le mary eſtoit Peſcheur comme luy, & qui les reçeut fort humainement, dés que ſon beau— Frere luy eut apris de quelle façon Tiburte l’avoit recompenſé. Cependant comme les Dieux avoient ſans doute reſolu de conſerver le Prince Mazare malgré luy, il veſcut quoy qu’il n’en euſt point d’envie, & quoy qu’il creuſt la Princeſſe Mandane morte : il eſt vray que ce fut d’une maniere ſi pitoyable, que la mort luy euſt ſans doute eſté plus douce, que la vie qu’il menoit ne luy eſtoit agreable. Le peu d’eſperance qu’il avoit euë que peut-eſtre la Princeſſe ſeroit elle eſchapée, ne luy dura meſme plus guere : car le Peſcheur, ſuivant ſa promeſſe, fut huit jours apres qu’il fut à cette Iſle, luy dire que l’on n’avoit eu aucune nouvelle