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faire ſortir ſur la neige, avec un habillement blanc : & qu’en ſuitte eſtant à Sinope, cette meſme paſſion fit que tout genereux qu’il eſtoit, il la trompa pour l’enlever eſgalement, & au Roy d’Aſſirie, & à Cyrus : & que pour le punir de cette action, les Dieux permirent qu’il fiſt naufrage. Quand vous sçaurez ce que j’ay à vous dire, reprit Orſane, je ne sçay Madame ſi l’intention des Dieux vous ſera auſſi bien connuë que vous le croyez preſentement : puis que dans l’inſtant qu’ils le mirent en eſtat de perir, c’eſtoit lors que par les ſentimens qu’il avoit dans le cœur, ils le devoient pluſtost ſauver : Mais auparavant que de vous expliquer cét Enigme, il faut que je vous die que le plus grand & le plus merveilleux effet de la beauté de la Princeſſe Mandane, eſt ſans doute d’avoir ſi fort troublé la raiſon de ce Prince, qu’il ait pû eſtre capable de faire quelques actions injuſtes : eſtant certain que je ne penſe pas qu’il y ait jamais eu d’homme de ſa condition, de qui la naiſſance ait eſté plus heureuſe, ny de qui l’education ait eſté meilleure. Au reſte, les inclinations qu’il a pû tirer de ſes Parens, n’ont pu auſſi eſtre que tres bonnes : puis qu’il eſt vray qu’on ne peut pas trouver un Prince plus vertueux que le Roy des Saces, ny une Princeſſe plus Heroïque que la Reine Tarine, Mere de mon Maiſtre. Mais comme ſa reputation eſt eſpanduë par toute l’Aſie, je ne m’arreſteray pas à en parler davantage : & je diray ſeulement, que le Prince Mazare eſtant leur Fils, il n’eſt pas eſtrange qu’il ait autant de vertus qu’il en a. Pour reprendre donc les choſes au point que vous les sçavez, & vous en dire pourtant que vous ne pouvez sçavoir ; il faut que je vous aprenne, que la nuit qui preceda le naufrage que fit la Princeſſe Mandane, & pendant la quelle