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doute trop haute, pour eſtre capable d’un ſentiment ſi bas. Elles s’aimerent donc avec ſincerité ; quoy qu’à dire les choſes comme elles ſont, elles n’ayent jamais entré en nulle confiance l’une pour l’autre, de ce qui leur a tenu lieu de ſecret dans leur vie. Ce n’eſt pas qu’elles ne s’eſtimassent aſſez pour cela : mais apres tout je penſe que comme Cileniſe avoit toute la confidence de la Princeſſe Palmis, j’avois auſſi le bonheur d’avoir toute celle de la Princeſſe Panthée. Il eſt vray qu’en ce temps là, ſes ſecrets eſtoient de peu d’importance : je ne laiſſois pourtant pas de luy eſtre bien obligée, de voir qu’elle me diſoit ſes veritables ſentimens de toutes choſes ; ce qu’elle ne faiſoit point du tout, devant toutes mes Compagnes. je ne doute pas. Madame, que vous n’ayez sçeu la diverſité d’humeur qui eſtoit entre le Roy de Lydie, & les Princes ſes Freres : c’eſt pourquoy je ne vous feray pas ſouvenir, que le Prince Antaleon eſtoit un ambitieux, qui vouloit tout deſtruire pour regner : & que Mexaris eſtoit auſſi avare, que Creſus eſt liberal : quoy que Mexaris n’euſt gueres moins de richeſſes que luy. Et certes à dire vray, je ne penſe pas que ce vice là aye jamais paru plus eſtrange qu’en ce Prince, comme vous le verrez par la ſuitte de ce diſcours. Cependant il ne laiſſa pas de ſe trouver capable d’une paſſion, de qui un des plus nobles effets, eſt de produire la liberalité : il eſt vray que je ſuis perſuadée, que Mexaris creût que pour eſtre amoureux, il ſuffisoit de donner ſon cœur : & qu’ainſi il ne s’oppoſa point à l’amour que la beauté de Panthée fit naiſtre dans ſon ame. Car je ne doute pas que s’il euſt oüy dire que la veritable meſure de l’amour, ſe doit regler ſur ce que l’on eſt capable de donner pour la perſonne aimée ; il n’euſt combatu la ſienne de toute ſa