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aux autres, que s’il n’euſt jamais eſté priſonnier, ils ne ſe fuſſent pas ſouciez d’avoir une guerre eſtrangere : mais que de voir une Armée de plus de cent mille hommes à leurs portes ; & n’avoir point le Prince Artamas pour les deffendre, eſtoit ce qu’ils ne pouvoient ſouffrir ſans murmurer. En fin la choſe alla ſi avant, qu’ils creurent qu’il leur ſeroit encore plus avantageux, que le Prince Artamas fuſt dans le Party de Cyrus, que d’eſtre toujours en priſon : car outre qu’ils sçavoient bien qu’eſtant amoureux de leur Princeſſe : il ne voudroit pas deſtruire Creſus : & qu’il porteroit toujours les choſes à la douceur ; ils penſoient encore que l’injuſtice que l’on avoit euë pour luy, en l’arreſtant la premiere fois, ne pouvoit eſtre reparée qu’en le delivrant la ſeconde : de ſorte que tout eſtoit en diviſion, & dans le Camp, & dans Sardis. Cyrus sçachant donc ce qui ſe paſſoit en avoit une extréme joye ; car, diſoit il, s’ils font ce que je veux, je verray ma chere Princeſſe, & ſes regards favorables m’inſpireront une nouvelle ardeur dans l’ame, & me donneront peut-eſtre la force de vaincre tout ce qui pourroit m’empeſcher de la delivrer : malgré tant de funeſtes predictions. Que ſi au contraire ; ils ne le veulent point, j’auray du moins la ſatisfaction, d’avoir mis le deſordre dans leurs Troupes : & de me trouver en eſtat de remporter la victoire avec moins de peine. Il eſtoit pourtant un peu eſtonné, de n’entendre point dire que Mazare ſe meſla de cette affaire : & tous ceux qui revenoient de Sardis, diſoient ſeulement que ce Prince, à ce que l’on aſſuroit, gardoit la Chambre, pour quelque legere incommodité. Mais il aprenoit de moment en moment que le deſordre & la diviſion augmentoit, &