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Andramite s’eſtant donc retiré de cette ſorte, le Roy de Pont arriva : qui ſuplia ſi inſtamment Creſus de n’accorder pas la veuë de Mandane à ſon Rival, qu’il le confirma puiſſamment dans le deſſein qu’il en avoit : & dans celuy de ſe ſervir de ce pretexte pour rendre la negociation d’Andramite inutile. Le Roy de Pont eſtoit pourtant bien fâché de deſobliger Abradate, à qui il eſtoit : tres redevable : mais cette paſſion tirannique & dominante qui regnoit dans ſon cœur, faiſoit qu’il ne pouvoir pas eſtre Maiſtre de ſes propres ſentimens. Cependant Abradate & le Prince de Claſomene, sçachant la reſistance de Creſus & du Roy de Pont, parloient comme des Princes qui n’eſtoient pas reſolus de ſouffrir qu’on les trataſt de cette ſorte : Andramite & le Prince Myrſile cabaloient auſſi dans Sardis ; & publioient que l’on vouloit porter les choſes à la derniere extremité : eſtant à croire qu’apres ce qu’on refuſoit à Cyrus, il ſeroit en droit s’il eſtoit vainqueur, d’eſtre auſſi rigoureux aux vaincus, qu’on eſtoit injuſte envers luy : Si bien que dans Camp & dans la Ville, tout eſtoit en une eſmotion eſtrange : car comme il eſt touſjours aſſez aiſé de faire croire Peuples les choſes les plus eſloignée de vray-ſemblancé ; ſur ce fondement veritable, diverſes Perſonnes affectionnées au Prince Artamas, qui pour ſes grandes vertu & par ſon extréme valeur, s’eſtoit acquis mille ſerviteurs ſecrets qui agiſſoient ſourdement pour luy, firent que l’on diſoit fort haut, que Creſus ne vouloit point la paix, & qu’il ne ſe ſoucioit pas de la deſolation de tous ſes Peuples, pourveu que ſon ambition fuſt ſatisfaite. Le ſouvenir de toutes les victoires d’Artamas revenant alors dans la memoire des habitans de Sardis, ils murmuroient hautement : & ſe diſoient les uns