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qu’il n’avoit pas moins d’eſprit que de courage. La converſation que ces quatre illuſtres Perſonnes eurent enſemble, augmenta encore l’eſtime qu’elles faiſoient l’un de l’autre, principalement entre Cyrus & Abradate : car encore qu’ils ne ſe fuſſent jamais veus que ce jour là, il n’y eut pourtant entre eux, ny complimens, ny ceremonie incommode : & ils ſe parlerent avec une civilité pleine de franchiſe, qui faiſoit aſſez voir que la Renommée leur avoit apris ce qu’ils eſtoient. Mais pendant qu’Araminte teſmoignoit à Panthée la joye qu’elle avoit de la ſienne, Cyrus demanda à Abradate, s’il ne pourroit point obtenir de Creſus, la grace de voir Mandane durant la Tréve ? Je ne deſespererois pas, luy dit il, de vous faire recevoir cette ſatisfaction, ſi ce n’eſtoit le Roy de Pont, & peut— eſtre le Prince Mazare qui s’y oppoſeront : du moins vous puis— je promettre, que je feray tout ce qui ſera en mon pouvoir, pour les perſuader tous à ſouffrir que vous la voryez. S’ils craignent que je ne luy die quelque choſe qui leur nuiſe, adjouſta Cyrus, je conſens de la voir ſans luy parler : cependant, pourſuivit il, je vous ſuplie de croire que ſi Mandane n’eſtoit pas la cauſe de la Guerre, vous ne vous en retourneriez pas ſeul à Sardis : eſtant certain. que je donnerois la liberté toute entiere à la Reine de la Suſiane. Mais puis que c’eſt pour elle que je ſuis en Lydie, vous ne devez pas trouver mauvais que je meſnage juſques aux moindres avantages : & que par conſequent j’en conſerve un ſi conſiderable. je vous proteſte touteſfois, que je le faits avec un regret extréme ; & que je voy avec une douleur bien ſensible, le deſplaisir que je vous cauſe. je ne vous fais point ſouvenir, adjouſta t’il, que vous vous l’eſtes