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obligez de demeurer la moitié de l’année à Sardis : apres avoir eſté tres long temps ſans y aller, ſur divers pretextes dont il s’eſtoit ſervy pour s’en diſpenser, il ſe reſolut enfin de ſatisfaire à ſon devoir : & il le fit d’autant pluſtost, que voyant à quel point la valeur de Cleandre avoit porté l’authorité Royale, il eut peur que s’il’obeiſſoit de bonne grace, on n’entrepriſt de le faire obeïr de force : & qu’ainſi il n’attiraſt la guerre dans ſon Pais. Comme Sardis eſtoit alors en ſon plus beau luſtre, tous ceux de la Maiſon du Prince & de la Princeſſe, eurent quelque joye d’y aller : à la reſerve de Perinthe, qui s’en affligea en ſecret, par un ſentiment que ſon amour luy donna. Juſques alors il avoit eu cet avantage, de ne voir perſonne entreprendre de ſervir Panthée : parce que comme je l’ay deſja dit, il n’y avoit point d’homme en toute la Principauté de Claſomene, qui peuſt pretendre à l’eſpouser. Mais aprenant qu’elle alloit à Sardis, où tous les gens de ſa condition demeuroient, il ne douta point qu’elle n’y fuſt aimée de pluſieurs : de ſorte que la ſeule crainte d’avoir des Rivaux, le rendit preſques auſſi miſerable que le ſont les autres qui en ont de plus favorivez qu’eux. Je me ſouviens meſme, que m’eſtant aperçeuë malgré ſon déguiſement, qu’il n’avoit pas autant de joye d’aller à Sardis, que tous ceux qui devoient eſtre de ce voyage témoignoient en avoir, je luy en demanday ſa cauſe : mais il me reſpondit avec autant de civilité que de fineſſe, que c’eſtoit parce qu’il voyoit qu’il ne jouïroit plus tant ny de la veuë, ny de la converſation de toutes les perſonnes qui luy eſtoient cheres. Car (adjouſta t’il, pour déguiſer encore davantage la choſe) tout ce que le Prince mene d’honneſtes gens aveque luy, deviendront