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s’il vouloit il ſe retireroit de la Riviere autant qu’il faloit pour luy donner un, juſte eſpace, afin de faire paſſer ſon Armée, & la ranger en Bataille : pourveu qu’il ſe reſolust à ne reculer plus de combatre, comme il avoit fait juſques alors. Cyrus n’eut pas pluſtost fait ce deſſein, qu’il fut executé : & Creſus n’eut pas auſſi pluſtost oüy cette propoſition qu’il l’accepta : & renvoya le Heraut que Cyrus luy avoit envoyé, avec promeſſe que dans quatre jours il ſeroit aux mains avec le Prince ſon Maiſtre. Depuis cela, Cyrus reprit une nouvelle vigueur : & il eſpera meſme de vaincre, malgré tous les funeſtes Oracles qu’il avoit reçeus. Cette eſperance paſſa en ſuitte, de ſon cœur, dans celuy de tous ſes Soldats qui agiſſoient en ces occaſions, comme agiſſent tous les Matelots qui ſont conduits par un fameux Pilote, qui ne s’eſtonnent de la fureur des vagues, que lors qu’ils le voyent eſtonné. De meſme les Troupes de Cyrus ſans s’informer de rien, ne conſultoient que le viſage de ce Prince, pour bien augurer de la victoire : de ſorte qu’y voyant touſjours de la tranquilité, meſme au milieu des plus grands perils, ils combatoient comme des Soldats qui croyoient que leur General ne pouvoit ny faire de faute, ny eſtre vaincu. Mais durant que ce Grand Prince ſe preparoit à combatre, & ne ſongeoit qu’à cela, il arriva beaucoup de choſes, qui reculerent de quelque temps la gloire qu’il en attendoit, & qui embarraſſerent eſtrangement Creſus. Lors que ce Prince avoit donné reſponce au Heraut que Cyrus luy avoit envoyé, il eſtoit à Sardis, & le Roy de Pont & Abradate eſtoient au Camp : de ſorte que ces deux Princes ayant sçeu la choſe, trouverent un peu eſtrange que le Roy de Lydie euſt ſi abſolument determiné le jour