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leurs Troupes en Bataille : de ſorte qu’il eut une envie extréme de pouvoir sçavoir preciſément quel il devoit eſtre : mais il ne jugeoit pas qu’il fuſt poſſible. I ! envoyoit pourtant tous les jours de nouveaux Eſpions, & faiſoit auſſi tous les jours de nouveaux priſonniers : il sçeut par eux que Creſus s’eſtoit trouvé un peu mal, & eſtoit retourné à Sardis, dont ils n’eſtoient pas fort eſloignez ? & qu’il n’y avoit point de jour que le Roy de Pont n y allaſt. Comme if s’imagina que c’eſtoit bien plus pour voir Mandane, que pour voir Creſus, il en eut une douleur extréme : ſe reſolut pluſtost à perdre beaucoup d’hommes à forcer le paſſage de la Riviere d’Helle, que d’attendre plus longtemps. Neantmoins les Rois de Phrigie & d’Hircanie, auſſi bien que Gobrias, Gadate, le Prince Tigrane, & Phraarte luy ayant fortement repreſenté qu’il valoit mieux attendre quelques jours la victoire, que de la bazarder, le firent reſoudre à avoir encore un peu de patience. Il eſtoit pourtant tout le jour à cheval, tantoſt à empeſcher qu’il ne paſſast des vivres aux Ennemis ; tantoſt à les aller reconnoiſtre ; & tantoſt à combatre les Parties qu’ils envoyoient à la guerre. Mais quoy qu’il fiſt, & où qu’il fuſt, il penſoit touſjours à Mandane où à ſes Rivaux : principalement à Mazare, de qui l’avanture luy ſembloit touſjours plus ſurprenante. Quelques jours s’eſtant paſſez de cette ſorte, il aprit que Creſus ſe portoit bien, & qu’enfin il eſtoit reſolu à donner Bataille : mais que ce qui la pourroit encore retarder, eſtoit qu’il craignoit qu’il n’attaquaſt ſes Troupes à demy paſſées. Ce Prince sçachant cela, & bruſlant d’impatience d’accourcir cette guerre, & de ſe voir aux mains avec ſes Ennemis, prit la reſolution d’envoyer dire à Creſus par un Heraut, que