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is trouvé incapable de ſonger à ce que je devois faire. Voila Seigneur, quel eſt mon crime : c’eſt à vous à faire de moy ce qu’il vous plaira : il me ſemble toutefois, adjouſta t’il, qu’un Prince qui connoiſt ſi parfaitement la puiſſance de l’Amour, doit avoir quelque indulgence pour un homme qui n’eſt coupable, que parce qu’il eſt amoureux. j’en ay auſſi beaucoup pour vous, reprit Cyrus, car je vous pleins infiniment : & il eſt peu de choſes que je ne fiſſe, pour revoquer le paſſé s’il eſtoit poſſible, & pour faire que vous n’euſſiez pas offencé Panthée. Mais puis que cela eſt, Araſpe, il la faut ſatisfaire : il y va de mon honneur, auſſi bien que de ſa gloire : c’eſt pourquoy il faut, quelque amitié que j’aye pour vous, que je vous eſloigne mon ſeulement d’elle, mais encore de moy. Quoy Seigneur, interrompit Araſpe, ce ne fera pas aſſez pour me punir, que de me ſeparer pour touſjours d’une Perſonne que j’adore, & vous voudrez encore me priver d’avoir la ſatisfaction de mourir pour vous, à la teſte de voſtre Armée le jour de la Bataille ! ſongez Seigneur, que Panthée ſera bien mieux vangée par ma mort que par mon exil : il n’en eſt pas de meſme de moy, reprit Cyrus, car j’aime mieux voſtre exil que voſtre mort. Mais enfin Araſpe, ne me reſistez plus : retirez vous ſans parler davantage, ou en Medie, ou en Capadoce, ou en quelque autre lieu qu’il vous plaira : juſques à ce que la Reine de la Suſiane ne ſoit plus en ma puiſſance. Araſpe voulut encore dire quelque choſe, mais Cyrus ſe fâchant de ſa reſistance, luy parla d’une maniere à luy faire connoiſtre qu’il vouloit eſtre obeï : & en effet Araſpe partit à l’heure meſme auſſi bien que Cyrus, qui ne ſe fit pas une petite violence de ſe priver de la preſence d’un homme qui luy eſtoit ſi