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ARASPE.


Cette Lettre (reprit Cyrus apres l’avoir eſcoutée) euſt eſté raiſonnable, ſi elle euſt eſté eſcrite à Doraliſe où à Pherenice : mais parler ainſi à une Reine ; & à une Reine malheureuſe, eſt une hardieſſe ſi peu excuſable, & ſi offençante pour moy, que je ne vous puis exprimer combien vous m’avez ſensiblement deſobligé. J’en fus bien cruellement puny le lendemain, repliqua Araſpe ; car lors que je voulus aller dans la Chambre de Panthée ſuivant ma couſtume, afin de la conduire au Temple, elle me fit dire qu’elle n’y vouloit pas aller ce jour là. Mais ce qu’il y eut de plus cruel pour moy, fut que vers le ſoir elle m’envoya querir : & me faiſant entrer dans ſon Cabinet, Araſpe (me dit elle, avec une majeſté qui me fit trembler) comme il y va de ma gloire, de ne publier pas moy meſme qu’il y ait un homme au monde qui ait pû perdre le reſpect qu’on me doit, juſques au point que vous l’avez perdu, je ne feray point eſclater mon reſſentiment contre vous, juſques à ce que l’illuſtre Cyrus ſoit en lieu où je le puiſſe ſuplier de vous oſter d’aupres de moy. Cependant comme je ne puis ſouffrir que vous me voiyez, apres la hardieſſe que vous avez euë, n’entrez plus dans ma Chambre, ſi vous ne voulez me porter à quelque extréme reſolution. je voulus alors luy proteſter, que j’eſtois au deſespoir de ce que j’avois fait : & je voulus meſme luy dire que je m’eſtois repenty de luy avoir eſcrit, & qu’elle avoit reçeu ma Lettre contre mon intention, mais elle ne voulut jamais m’eſcouter : & elle me fit voir tant de colere & tant d’averſion ſur ſon viſage, que je me retiray avec une douleur qui n’eut jamais de ſemblable. Depuis cela, je n’ay pas eu ma raiſon bien libre : en eſtet je vous ay veû arriver ſans vous prevenir, tant je me ſu