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dans leſquelles je l’avois eſcrite : la reliſant tres ſouvent, comme ſi j’euſſe trouvé quelque ſoulagement à me dire à moy meſme, ce que je n’oſois dire à Panthée. Cela eſtant ainſi, il y a quelques jours que cette belle Reine ayant la curioſité de voir l’Oracle que Creſus a reçeu à Delphes, & qu’elle avoit sçeu que j’avois, elle me l’envoya demander par un Eſclave, un ſoir qu’elle eſtoit deſja retirée : de ſorte qu’impatient de luy obeïr, & croyant bien connoiſtre les Tablettes dans leſquelles je l’avois eſcrit, je me trompay malheureuſement : & au lieu de celles là, j’envoyay celles dans quoy eſtoit la Lettre que je m’eſtois repenty d’avoir eſcrite, & que je m’eſtois reſolu de ne faire point voir à Panthée. A peine celuy à qui je la donnay fut il ſorty, que je m’aperçeus de mon erreur : d’abord j’en fus au deſespoir, & je commanday à mes gens de le rapeller s’ils pouvoient : mais un inſtant en ſuitte, l’Amour ſeduisant ma raiſon, je leur fis un commandement contraire : ainſi leur diſant juſques à quatre fois qu’ils rapellaſſent cét Eſclave, & puis qu’ils ne le rapellaſſent point ; à la fin quand j’eus determiné de le faire rapeller tout de bon, il n’eſtoit plus temps : car il eſtoit dé-ja dans la Chambre de la Reine. De vous repreſenter, Seigneur, comment je paſſay ce fou là & toute la nuit, il me ſeroit impoſſible : eſtant certain qu’on ne peut pas avoir plus d’inquietude que j’en eus. Mais encore quelle eſtoit cette Lettre ? reprit Cyrus : il ne me ſera pas difficile de vous la reciter, repliqua Araſpe, car je penſe l’avoir leüe plus de cent fois : de ſorte que je puis vous aſſurer qu’elle eſtoit elle que je vous la vay dire.