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n’avoit que Cleonice aupres d’elle : mais il la vit ſi triſte qu’il en fut ſurpris. Seigneur, luy dit elle, je vous demande pardon de la peine que je vous donne : c’eſt pluſtost à moy à vous le demander, repliqua t’il, de la melancolie que vous avez, quoy que je n’en sçache pas la cauſe : car Madame, il me ſemble que je ſuis reſponsable de tous les maux qui vous arriveront, tant que je ſeray aſſez malheureux pour eſtre obligé à ne vous delivrer pas. Seigneur, luy reſpondit elle, je ne ſuis pas aſſez injuſte pour vous charger des fautes d’autruy : j’ay meſme aſſez de reſpect pour vous, pour ne vouloir pas exagerer le crime d’une Perſonne que vous honnorez de voſtre affection : c’eſt pourquoy ſans vous dire preciſément dequoy je me pleins, je vous ſuplieray ſeulement….. Non non Madame, interrompit Cyrus, il ne faut point cacher ny le crime, ny le criminel, quel qu’il puiſſe eſtre : vous proteſtant, que s’il y a quelqu’un qui vous ait donné le moindre ſujet de pleinte, de le punir avec une ſeverité ſi grande, que vous connoiſtrez aiſément que je ſuis plus ſensible aux injures, que l’on fait aux perſonnes que j’honnore, qu’à celles qu’on me pourroit faire à moy meſme. j’ay bien creû Seigneur, reliqua Panthée, que vous ſeriez aſſez genereux, pour en uſer comme vous faites : c’eſt pourquoy encore que ce ne ſoit pas la couſtume que des Captives choiſissent leurs Gardes, je ne feray point de difficulté de vous ſuplier tres humblement, de deffendre à Araſpe de me voir jamais : & de mettre apres cela qui il vous plaira des voſtres à ſa place. Vous ſerez obeïe exactement Madame, reprit Cyrus ; mais ſi Araſpe a eu l’audace de vous deſplaire en quelque choſe, ce n’eſt pas aſſez que de le bannir de voſtre preſence, il faut encore le bannir de la ſocieté