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ou pour me vaincre. je vous donne le choix des deux : ſi vous faites le premier, & qu’en ſuitte vous obligiez Creſus à faire la paix, pour vous montrer que je ne la cherche pas, afin de m’épargner la peine de faire la guerre, je vous engage ma parole de la faire encore pour vous remettre dans de Thrône de vos Peres : & de la faire meſme pour Creſus, s’il a beſoin de mon aſſistance. Mais ſi vous choiſissez le dernier, perſuadez luy du moins qu’il luy ſera peut eſtre avantageux, que vous m’ayez ou vaincu ou laſſé, devant que de donner la Bataille : car enfin je ne puis plus ſouffrir que la Princeſſe Mandane ſoit captive : & je ne sçay comment vous le pouvez endurer. je ne le sçay pas moy meſme, reprit le Roy de Pont ; & je ſuis ſi peu d’accord de mes propres ſentimens, qu’il n’y a point de jour que je ne vous aime & ne vous haïſſe : & où je ne ſois auſſi mon plus grand Ennemy. Mais comme il n’y a point d’inſtant en ma vie, où je n’aime eſperdûment la Princeſſe Mandane, je ne puis prendre nulle reſolution raiſonnable : & je demeure touſjours injuſte, & malheureux tout enſemble. Non non, s’eſcria Cyrus, ce que vous dittes n’eſt point vray-ſemblable ; & ſi vous voiyez touſjours Mandane irritée, ou Mandane les larmes aux yeux, voſtre cœur s’attendriroit, ou ſe deſespereroit : c’eſt pourquoy il y a grande aparence, que je ſuis plus infortuné que je ne le croyois eſtre : & que vous ne l’eſtes pas tant que je le penſois. Du moins, adjouſta t’il, ayes la ſincerité de me dire ſi je me trompe : je vous en conjure par tout ce que j’ay fait pour vous ; partout ce que je ferois encore, ſi vous n’eſtiez plus mon Rival, & meſme par Mandane. De grace ne me refuſez pas toutes choſes : & puis que vous ne voulez ny delivrer voſtre Maiſtresse, ny combattre voſtre Rival,