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cette petite Riviere. Que ces deux Princes s’engageroient par ſerment ſolemnel, de ne s’attaquer point : & de ſe contenter de ſe parler ſeulement. La choſe ayant donc eſté ainſi reſoluë ; le jour eſtant pris ; & l’heure eſtant arrivée ; chacun de ſon coſté ſe prepara à ſe trouver au lieu de l’aſſignation. Mais ce qu’il y eut d’eſtrange, fut que l’envie de connoiſtre Cyrus fut ſi grande dans le cœur de tous les Cheſſ de l’Armée ennemie, qu’ils ſupplierent inſtamment Creſus, de leur permettre d’accompagner le Roy de Pont : ſi bien qu’au lieu d’avoir de ſimples Cavaliers aveque luy, on fut contraint de ſouffrir de peur d’une eſmotion, que ce fuſſent des Volontaires, je des Capitaines. Vous pouvez juger apres cela, que ſi Cyrus euſt eu l’eſprit ſoubçonneux, & aiſé à eſpouventer, il euſt ſans doute eſté ſurpris : de voir quels eſtoient les mille hommes qui accompagnoient le Roy de Pont : & il euſt eu lieu de croire, qu’on luy vouloit manquer de foy. Car pour ce Prince, à la reſerve de trente ou quarante hommes de qualité, il n’avoit que de ſimples Cavaliers aveque luy, parce qu’il l’avoit voulu ainſi : mais pour le Roy de Pont, il n’en eſtoit pas de meſme, puis que meſme Abradate y voulut eſtre ; ayant demandé permiſſion à Creſus de remercier Cyrus de la generoſité qu’il avoit, de traiter ſi bien la Reine ſa Femme. Cependant Cyrus ſouhaittoit, ſans sçavoir pourquoy il avoit cette curioſité, que ce Telephane dont on luy avoit parlé s’y puſt trouver : ces deux gros de Cavalerie paroiſſant donc en une eſgale diſtance de cette petite Riviere, s’avancerent lentement, juſques à huit ou dix pas de ſes bords, où ils firent alte : pendant quoy Cyrus & le Roy de Pont ſe deſtachant en meſme temps de leur Troupe, vinrent auſſi prés l’un de l’autre, que le Ruiſſeau