Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/267

Cette page n’a pas encore été corrigée

liberté de Mandane ; & que pour luy en oſter la penſée, il n’avoit qu’à dire à ſon Maiſtre, qu’auparavant que de delivrer cette Princeſſe, il faloit l’avoir vaincu en Bataille rangée ; avoir pris Sardis ; l’avoir renverſé du Throſne : & avoir deſtruit ſon Empire. Le Roy de Pont ravy de voir qu’il n’avoit point de reſponce à faire à Artabaſe, voyant avec quelle fermeté Creſus avoit parlé, touchant cette propoſition ; le ſuplia du moins de luy accorder la permiſſion de voir à Cyrus. Car Seigneur, luy dit il, tout mon Rival qu’il eſt, je ſouhaitte encore ſon eſtime : & je ſerois au deſespoir, s’il croyoit que ce fuſt par manque de cœur, que je ne me bats point contre luy. je ſeray meſme bien aiſe, adjouſta t’il, de luy demander pardon, de ce que je ſuis forcé d’eſtre ingrat : & de luy dire moy meſme, une partie de mes ſentimens. D’abord Creſus fit difficulté de le permettre : mais Abradate luy ayant repreſenté que cela ne luy pouvoit nuire, Artabaſe fut renvoyé avec un Heraut du Roy de Lydie : afin de sçavoir de Cyrus, s’il conſentoit à cette entreveuë. Comme ce Prince attendoit impatiemment Artabaſe, parce qu’il eſperoit obtenir ce qu’il avoit demandé, il eſt aiſé de juger que ſon retour luy donna une aigre douleur, voyant que la liberté de ſa Princeſſe, eſtoit encore ſi eſloignée. Il contenue toutefois à voir le Roy de Pont : eſperant peuteſtre le perſuader, ou à luy rendre Mandane, ou à le combatre. Le jour de cette entreveuë eſtant donc pris, il fut reſolu de part & d’autre que Cyrus iroit à la teſte de mille chevaux, à un lieu où il y a un petit Ruiſſeau aſſez profond, mais qui n’a que trois pas de large : & que le Roy de Pont, avec pareil nonbre de gens, ſe trouveroit à l’autre bord de