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fortune ? peut-eſtre que sçachant ſa priſon, elle le pleint durant qu’elle m’accuſe : & qu’à l’heure que je parle, il a plus de part que moy à ſes penſées & à ſon affection. Mais injuſte que je ſuis, reprenoit il, j’accuſe d’inconſtance la plus parfaite Perſonne de la Terre : & une Perſonne encore, qui m’a donné cent marques obligeantes d’une fermeté ineſbranlable : Elle a veû ce meſme Roy d’Aſſirie à ſes pieds, poſſesseur d’un grand Royaume, & en eſtat de commander une Armée de deux cens mille hommes, ſans ſe laiſſer toucher à ſes larmes : pourquoy donc croiray-je qu’aujourd’huy qu’il eſt ſans Royaume & chargé de fers ; & que meſme il ne luy parle point, il puiſſe la faire changer de ſentimens ? Touteſfois, diſoit il, la pitié eſt une choſe bien puiſſante : elle amollit les cœurs les plus durs : elle fléchit les ames les plus fieres ; principalement quand ceux pour qui on en eſt capable, ne ſouffrent que pour l’amour de nous. Mais apres tout, adjouſtoit il, ma Princeſſe me delivra : mais apres tout, reprenoit il, elle retint le Roy d’Aſſirie. En ſuitte venant à penſer, que les Dieux avoient promis la victoire à Creſus : & conſiderant touteſfois, que depuis qu’il eſtoit entré en Lydie, il n’avoit eu que d’heureux ſuccés, il ne sçavoit que penſer. Tantoſt il croyoit que les Dieux ne l’eſlevoient que pour le precipiter : un moment apres, il penſoit que peut-eſtre ne les entendoit il pas : de ſorte qu’un rayon d’eſperance ranimant ſon cœur, il ne ſongeoit plus qu’à combatre, & qu’à vaincre ſes Rivaux. Apres avoir donc trouvé quelque douceur dans cette derniere penſée, il dormit quelque temps avec plus de tranquilité qu’il n’avoit accouſtumé d’en avoir : ſon ſommeil ne fut touteſfois pas long, puis qu’il ſe reſveilla à la pointe du jour. Il ne le fut pas pluſtost, que le Roy de Phrigie vint luy rendre grace, & luy teſmoigner la joye qu’il avoit, de sçavoir que le Prince ſon Fils n’eſtoit plus expoſé à la fureur de Creſus : en ſuitte ce Prince à qui Aglatidas avoit apris quelle eſtoit la paſſion d’Abradate pour la Reine ſa Femme, luy conſeilla de la faire aprocher de l’Armée : luy diſant