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CRESVS.


La Fortune m’abandonnera donc bien toſt (dit Cyrus, en reſpondant à ſa penſée, & à la Lettre du Roy de Lydie) apres quoy embraſſant Aglatidas, il luy demanda s’il n’avoit point oüy parler à Sardis d’un Eſtranger de grande reputation, nomme Telephane ? ha Seigneur, s’eſcria Aglatidas, j’avois bien oublié de vous dire, que l’on n’y parle d’autre choſe que de ſa bonne mine & de ſa valdur : perſonne ne sçait pourtant qui il eſt. Cependant, adjouſta t’il encore, ſi on en croit les Lydiens, leur Armée eſt ſi grande & ſi forte : que la victoire leur eſt aſſurée : il faudra du moins la leur diſputer, repliqua Cyrus, en ſuitte dequoy ayant envoyé Aglatidas chez le Roy de Phrigie, pour luy dire le ſuccés de ſon voyage, il paſſa le peu de temps qu’il avoit deſtiné pour ſe repoſer, à s’entretenir de l’eſtat preſent de ſa fortune : & à ſonger par quels moyens il pourroit avancer la liberté de ſa Princeſſe. Il avoit ſans doute quelque conſolation, de sçavoir que le Roy de Pont eſtoit à l’Armée, & d’aprendre que le Roy d’Aſſirie ne voyoit pas la Princeſſe Mandane : du moins, diſoit il, ne ſont ils pas tout à fait heureux, puis qu’ils ne la voyent point : & je ne ſuis pas auſſi tout à fait infortuné, puis que ma Princeſſe eſt en lieu où elle peut ſonger à moy avec liberté. Mais que sçay-je, adjouſtoit il, ſi elle s’en ſourient favorablement ? en effet n’ay-je pas ſujet de craindre qu’elle ne me regarde comme la cauſe de tous ſes malheurs, & qu’elle ne s’en ſouvienne avec horreur, au lieu de s’en ſouvenir avec tendreſſe ? Que sçay je encore ſi ces meſmes Dieux qui ont promis au Roy d’Aſſirie qu’il verroit la fin de ſes malheurs, & qu’il auroit la gloire d’entendre ſoupirer ma Princeſſe, ne l’ont point fait priſonnier pour haſter ſa bonne