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Phraarte, de qui la paſſion augmentoit de jour en jour, quoy que la froideur d’Araminte la deuſt plus toſt diminuer. La converſation de Cyrus avec ces deux Princeſſes, eut quelque choſe de fort touchant : ce Prince les conſola pourtant autant qu’il pût : les aſſurant touſjours qu’il ne vouloit que delivrer Mandane : & que ſi le ſort des armes luy eſtoit favorable, il ſe ſouviendroit à leur conſideration, des perſonnes qui leur eſtoient cheres parmy les Ennernis, & ne les traiteroit pas comme eſtant les ſiens : apres quoy montant à cheval, il pourſuivit ſon voyage. Cependant bien que le ſouvenir de tant d’Oracles fâcheux, & de predictions funeſtes, deuſt abatre le cœur a Cyrus, il cacha ſi bien ſa douleur, que tous ſes Soldats qui ne les sçavoient point, ne laiſſerent pas de marcher comme ils avoient accouſtumé de faire, lors qu’ils alloient à une victoire aſſurée. On ne laiſſoit pas non plus de voir ſur le viſage de Cyrus, cette noble fierté, qui paroiſſoit dans ſes yeux, dés qu’il avoit pris les armes, & qu’il eſtoit à cheval. En effet, ce Prince eſtoit ſi diſſemblable à luy meſme, dés qu’il s’agiſſoit de combatre, ou de donner ſeulement des ordres miliaires ; qu’il n’arrivoit pas un plus grand changement au viſage de la Pithie, lors qu’elle rendoit des Oracles, que celuy que l’on voyoit en Cyrus, dés qu’il avoit les armes à la main. On euſt dit qu’un nouvel eſprit l’animoit, & qu’il devenoit luy meſme le Dieu de la guerre : ſon taint en devenoit plus vif ; ſes yeux plus brillants ; ſa mine plus haute & plus fiere ; ſon action plus libre ; ſa voix plus eſclatante : & toute ſa Perſonne plus majeſtueuse : de ſorte qu’au moindre commandement qu’il faiſoit, il portoit la terreur dans l’ame de tous ceux qui l’environnoient.