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a de l’inhumauité, à luy refuſer cette grace ; ne ſongez vous point, reprit elle, à ce que diroit Abradate, s’il venoit à sçavoir que Perinthe euſt eu de l’amour pour moy, & que je l’euſſe eſté voir ? s’il ne tient, repliquay-je, qu’à vous en faire prier par ce Prince, il me ſera bien aiſé, car je voy qu’il entre à propos pour cela.. Et en effet Doraliſe ſuivant ma penſée, ne vit pas plus toſt Abradate aupres de la Princeſſe, que luy adreſſant la parole ; n’eſt il pas vray Seigneur, luy dit elle, que la Princeſſe eſt obligée de faire une viſite au paure Perinthe ? il n’en faut pas douter, repliqua t’il, & s’il ne faut que joindre mes prieres aux voſtres pour l’y obliger, je le feray volontiers : car je ſuis perſuadé que s’il ne ſe reſout à vivre à ſa conſideration, il mourra dans peu de jours. Comme la Princeſſe ne vouloit pas dire douant Abradate la veritable raiſon qui l’en empeſchoit, elle en diſoit de ſi foibles, qu’il luy eſtoit aiſé de les deſtruire : de ſorte qu’il la preſſoit eſtrangement. Mais à la fin nous parlaſmes tant que nous nous entendiſmes tous eſgallement bien : ce ne fut touteſfois pas ſans que la Princeſſe en rougiſt : elle ſe remit pourtant un moment apres, voyant comment Abradate prenoit la choſe : eſtant certain que l’on ne peut pas agir plus genereuſement, qu’il agit en cette occaſion. Car comme il eſtoit bien aſſuré du cœur de Panthée & de ſa vertu, il fit tout ce qu’il pût pour luy perſuader de ſauver la vie à Perinthe, en luy rendant une viſite. Il ne put pourtant l’y obliger qu’a une condition, qui auroit avance la mort du pauvre Perinthe s’il l’euſt sçeuë : qui fut que s’il eſchapoit, elle ne le verroit jamais. Apres cela, elle vouloit encore qu’Abradate fuſt preſent à cette entre-veüe, mais il ne voulut point : de ſorte