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deçeuës, car la viſite qu’Abradate luy avoit faite, avoit de telle ſorte irrité ſa douleur, & redoublé ſon mal, que nous ne puſmes le voir ſans une compaſſion extréme. Il eut pourtant quelque ſatisfaction, de nous pouvoir entretenir : en effet, il commanda à ſes gens de ſortir de ſa Chambre, afin de le faire aveque plus de liberté : mais dés que nous vouluſmes luy parler, pour luy faire reproche de ce qu’il ne vouloit pas guerir : non non, nous dit il, je ne dois plus ſonger à la vie : & pourveu que je puiſſe mourir devant que le Roy de la Suſiane ait eſpousé la Princeſſe, je ne m’eſtimeray pas tout à fait malheureux. Il elt vray que depuis une heure, j’ay beaucoup d’aprehenſion que je ne puiſſe eſviter ce malheur : il y a ſi loin de Sardis, rerepliquay-je, que j’eſpere que vous ſerez entierement guery, & des maux de l’eſprit, & de ceux du corps, auparavant que l’on en ſoit revenu. Vous ne sçavez donc pas encore, reprit il, que depuis une heure il eſt arrivé un Envoyé de la Reine de la Suſiane : qui ayant sçeu l’amour que le Prince ſon Fils a pour la Princeſſe de Claſomene, luy vient dire de ſa part que s’il continuë de l’aimer, aujourd’huy qu’il eſt Roy, elle conſent qu’il l’eſpouse : de ſorte qu’Abradate n’ayant plus d’obſtacle à ſon deſſein, ſera infailliblement bien toſt en eſtat de me faire mourir deſesperé, ſi la mort ſe haſte de venir me delivrer. Doraliſe & moy fuſmes eſtonnées, de voir que Perinthe en l’eſtat où il eſtoit, sçeuſt pins de nouvelles que nous : mais comme nous nous eſtions arreſtées en chemin, nous jugeaſmes bien qu’il n’eſtoit pas impoſſible que ce que Perinthe diſoit fuit vray : & d’autant, plus que nous sçeuſmes qu’il sçavoit la choſe par Andramite, qui eſtoit aſſez bien informé, pour ne douter pas de